D EPUIS une dizaine d'années, la prise en charge des syndromes coronariens aigus (qui comprennent l'angor instable et les infarctus du myocarde sans onde Q) s'est considérablement modifiée avec le développement de nouvelles thérapeutiques, et notamment les inhibiteurs des récepteurs glycoprotéines IIb/IIIa (abciximab, eptifibatide et tirofiban). Les trois produits ont fait l'objet, depuis 1993, de travaux très importants, incluant plus de 50 000 patients (échelle des travaux sur l'hypertension ou l'hypercholestérolémie).
La dernière livraison du « New England Journal of Medicine » publie trois études assorties de deux commentaires, qui confortent les bénéfices cliniques.
Angors instables ou infarctus sans élévation durable de ST
L'étude TACTICS (Treat Angina with Aggrastat and Determine Cost of Therapy with an Invasive or Conservative Strategy) a été menée pour établir la conduite à tenir, en routine, en traitement des angors instables ou des infarctus sans élévation durable du segment ST. La stratégie invasive précoce est-elle meilleure que le traitement conservateur ? Les résultats sont en faveur d'une utilisation large et précoce des inhibiteurs du récepteur GIIb/IIIa en association avec les stratégies invasives de revascularisation (Christopher Cannon et coll., Boston et Munich, avec le soutien des Laboratoires Merck). Ont été inclus 2 220 patients chez qui une revascularisation coronaire était indiquée. Ils avaient présenté un épisode d'angor prolongé (au moins 20 minutes) dans les 24 heures précédentes, avec des modifications de l'ECG transitoires, significatives d'ischémie myocardique, une élévation des enzymes cardiaques ou une maladie coronaire documentée. Tous ont été traités par aspirine, héparine et tirofiban. Ils ont été assignés au hasard à une stratégie invasive (cathétérisme dans les 48 heures et procédure de revascularisation appropriée) ou bien à une stratégie plus conservatrice dans laquelle le cathétérisme n'est réalisé que si le patient présente des signes de récurrence de l'ischémie ou un test de stress anormal. Le critère d'analyse primaire était formé de la combinaison des décès, des infarctus non fatals et des réhospitalisations pour un syndrome coronarien aigu à six mois. Les résultats montrent un taux de 15,9 % pour la stratégie interventionnelle précoce et de 19,4 % sous stratégie conservatrice (odds ratio de 0,78 ; p = 0,025). Quand on prend simplement le taux de décès combiné à celui des infarctus non fatals, la réduction en faveur de la stratégie invasive est du même ordre : 7,3 % versus 9,5 %, OR : 0,74, p < 0,05).
Infarctus du myocarde avec pose de stent
L'étude ADMIRAL (Abciximab before Direct Angioplasty and Stenting in Myocardial Infarction Regarding Acute and Long-Term Follow-up, réalisée avec le soutien d'Eli Lilly), très différente, compare l'abciximab au placebo dans l'infarctus du myocarde nécessitant une pose de stent. Il s'agit de savoir s'il existe un bénéfice clinique supplémentaire à l'utilisation de l'inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa. Trois cents patients ont été inclus dans un protocole en double aveugle et ont eu soit de l'abciximab et une pose de stent, soit un placebo avec la même procédure. Ils ont ensuite eu une angiographie coronaire. A trente jours, le critère composé des décès, des réinfarctus ou d'une revascularisation en urgence d'un vaisseau cible est survenu à concurrence de 6 % des cas dans le groupe abciximab et de 14,6 % dans celui sous placebo (p = 0,01). A six mois, les taux sont de 7,4 % et 15,9 % (p = 0,02). Les meilleurs résultats cliniques dans le groupe abciximab sont : une plus grande fréquence de flux coronaire de grade 3 (selon des critères admis) comparativement au groupe placebo (avant la procédure : 16,8 % versus 5,4 %, p = 0,01 ; immédiatement après : 95,51 % versus 86,7 %, p = 0,04 ; et six mois après : 94,3 % versus 82,8 %, p = 0,04). Un saignement majeur s'est produit dans le groupe abciximab et aucun dans le groupe placebo.
Les résultats montrent sous abciximab une amélioration de la perméabilité coronaire, tant avant la pose du stent qu'en ce qui concerne les résultats de cette procédure, le taux de perméabilisation coronaire à six mois ou l'amélioration de la fonction ventriculaire gauche.
« Les résultats très significatifs obtenus avec ces produits sur des critères cliniques essentiels soulèvent des questions sur l'usage du placebo chez les patients contrôles qu'il est licite d'utiliser », écrit un commentateur, Douglas Throckmorton (Rockville).
A côté de ces deux importants travaux, il faut signaler l'étude TARGET (« Do tirofiban and reopro give similar efficacy trial ») qui, dans une autre indication, la prévention des événements ischémiques sous revascularisation, avait pour objet de comparer tirofiban et abciximab selon une méthodologie d'essai de non-infériorité. Cet essai n'a pas abouti à des résultats concluants.
On retiendra donc surtout que deux essais ont démontré l'efficacité des deux inhibiteurs GIIb/IIIa dans les syndromes coronariens aigus.
« New England Journal of Medicine », vol. 344 ; n° 25, 21 juin 2001. TACTICS : pp. 1879-1887. ADMIRAL : pp. 1895-1902. TARGET : pp. 1888-1894. Commentaires pp. 1937-1942.
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