A dix jours de la journée d'action des professionnels de santé à Paris, point d'orgue d'un conflit devenu chronique (déjà quinze semaines de grève des gardes), les syndicats de médecins libéraux et les coordinations de généralistes fédérées au niveau national galvanisent les troupes et montrent leur détermination.
Le Pr Paul Petit, président de SAMU de France, résume parfaitement la situation : « On est désormais installé dans la crise, déclare-t-il. Au niveau des SAMU, il y a peut-être moins de "pics" que certains jours passés mais l'activité reste soutenue et ça nous ennuie. » « Il semble, ajoute-t-il, que la population s'éduque et que les réquisitions fonctionnent ; il n'y a pas de faits marquants ni dans un sens ni dans l'autre. » Pour le Dr Dino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), « le risque de banalisation existe toujours ». Il affirme toutefois que « le mouvement ne s'arrêtera pas car non seulement rien n'est réglé mais le malaise a très largement dépassé les aspects d'une contestation tarifaire ».
Une analyse partagée par le Dr Michel Chassang, président de l'UNOF. « Nous irons aussi loin qu'il le faudra, la dynamique est intacte et nous annoncerons prochainement de nouvelles initiatives », déclare-t-il, en soulignant que les modalités de la grève « ne pénalisent pas » les généralistes.
Les spécialistes libéraux, qui sont entrés tardivement dans le conflit, ne veulent surtout pas laisser passer le train des revalorisations d'honoraires. « La protestation monte en puissance, le mot d'ordre d'utilisation large du "DE" est bien suivi par les spécialistes en secteur I et la grève des vacations hospitalières fait tache d'huile, affirme le Dr Jean-François Rey, secrétaire général de l'Union nationale des médecins spécialistes (CSFM). Il y a des régions en pointe, comme la Bretagne, mais aussi des disciplines plus réactives, les spécialités cliniques sinistrées, les pédiatres, les endocrinos ou les dermatos par exemple, ou encore les spécialités techniques qui ont subi des baisses de tarifs. »
« Pas de fléchissement »
Les « médecins de la naissance » (gynécologues-obstétriciens, anesthésistes et pédiatres) restent les plus virulents. Malgré la mise en place du nouveau « forfait naissance » (« le Quotidien » du 27 février), ils menacent toujours d'une grève totale des accouchements dans les maternités privées au début de mars. Une réunion est prévue aujourd'hui au ministère, à l'issue de laquelle les syndicats mobilisés devraient confirmer ou non la suspension totale d'activité (en consultation, dans les services d'hospitalisation, au bloc opératoire et dans les laboratoires de PMA). « On ne souhaite pas en arriver là, déclare Guy-Marie Cousin, secrétaire général du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof). Mais il y a urgence et on n'a pas l'impression que les engagements du ministre de la Santé pour enrayer l'insuffisance des effectifs et assurer la sécurité sont respectés. » Outre la revalorisation de l'acte d'accouchement, les médecins de la naissance exigent l'amélioration des conditions de reprise, par les hôpitaux publics, des médecins libéraux dont les maternités ont fermé, avec des contrats de travail qui tiennent compte de l'ancienneté professionnelle.
Le Dr Jean-Paul Hamon, un des porte-parole de la coordination nationale des généralistes, dont la prochaine assemblée générale se tiendra au début de mars en province, assure que de nouveaux départements rejoignent le mouvement. « Toute la région PACA est très remontée, les médecins du Puy-de-Dôme veulent en découdre, ça bouge aussi en Dordogne, bref les choses ne vont pas dans le sens du fléchissement », assure-t-il. Les coordinations se sentent légitimées par le succès indéniable de la consigne du « C à 20 euros » que pratiquent déjà plusieurs milliers de généralistes (voir ci-dessous).
La journée d'action des professions de santé du 10 mars semble d'ailleurs susciter un engouement au-delà du secteur libéral. La Fédération nationale des maternités et hôpitaux publics de proximité (FNMHPP) et le Comité national de défense des hôpitaux (CNDH) appellent tous leurs adhérents et sympathisants à se joindre à la manifestation. Les médecins salariés CGT ont également annoncé leur participation à cette journée.
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