L 'HISTOIRE commence en novembre 1997, lorsqu'une habitante de la commune de Gaillon signale à la direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS) de l'Eure qu'un membre de sa famille est atteint de leucémie et exprime son inquiétude : dans sa région, elle relève d'autres personnes atteintes de leucémie. Les médecins généralistes des environs soulèvent, à leur tour, la même question.
Parallèlement, la DDASS reçoit des plaintes de la population locale au sujet d'une détérioration de l'environnement, plaintes mettant en cause les industries chimiques avoisinantes.
En 1998, une enquête menée par la DDASS avec la collaboration des médecins généralistes, du laboratoire d'analyses médicales de la commune et des centres hospitaliers de la région conclut qu' « il semble exister une surincidence de leucémies dans la zone géographique comprenant la commune de Gaillon et les communes périphériques dans un rayon de cinq kilomètres, sur la période janvier 1994-décembre 1997 ».
Des rejets chimiques sous surveillance
Dans son analyse de la situation environnementale du site, la DDASS souligne que la zone industrielle de Gaillon comprend un tissu industriel développé, au sein duquel quatre entreprises nécessitent une attention particulière du fait de « risques liés au stockage de produits chimiques, à l'ampleur des rejets et à la nature de leur production ». La préfecture de l'Eure décide alors d'interpeller l'Institut de veille sanitaire (InVS, ex-Réseau national de santé publique) afin de « confirmer ou d'infirmer cet excès de leucémie ».
Le rapport rendu public ce mois-ci par l'InVS confirme les résultats de l'étude menée en 1998 par la DDASS de l'Eure concluant à « un excès significatif de cas de leucémie non LLC (leucémie lymphoïde chronique) , entre 1994 et 1997 dans une zone de cinq kilomètres autour de la commune de Gaillon ». « L'analyse des données de mortalité, poursuit le rapport, issues d'un système d'information indépendant de celui des données de morbidité, conforte ces résultats par l'observation également, dans la zone d'étude, d'une surmortalité par leucémie (tous types), bien que celle-ci soit non significative sur le plan statistique. »
Sylvie Chastan, médecin-inspecteur à la DDASS de l'Eure relève toutefois que le rapport de l'InVS précise qu' « il est difficile de tirer des conclusions fiables de l'observation, compte tenu notamment de la faiblesse de l'échantillon ». En outre, aucun facteur commun n'a permis de formuler une hypothèse étiologique pour les cas diagnostiqués. Ces observations pourraient d'ailleurs être le reflet de problèmes non spécifiques à la zone d'étude puisque l'excès de décès par leucémie est signalé pour l'ensemble du département de l'Eure.
Comme le recommande l'InVS, la DDASS a décidé de conduire, à partir du mois prochain, une enquête épidémiologique prospective, de quatre ans, à Gaillon et ses environs. Cette étude sera conduite en collaboration avec le centre anticancéreux de Rouen, ainsi que les généralistes et les médecins du travail locaux. Enfin, l'InVS souligne que « le bilan environnemental réalisé par la DDASS fait état de l'existence, dans la zone d'étude, de plusieurs source de rejets industriels non ou mal quantifiées dont certaines ont fait l'objet de plaintes de la part des populations. Compte tenu des résultats de cette étude, conclut l'Institut, il apparaît nécessaire de préciser et de quantifier les émissions polluantes dans la zone d'étude afin de pouvoir apprécier les dangers, les expositions et les risques éventuels pour le populations environnantes ».
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