LE TEMPS DE LA MEDECINE
DE NOTRE CORRESPONDANTE
AU CENTRE hospitalier régional de Lille, la clinique Linquette abrite depuis une quinzaine d'années l'unité de soins aux pieds diabétiques, une structure créée par le Pr Pierre Fontaine pour assurer une meilleure prise en charge de cette pathologie.
« Le pied reste le parent pauvre de beaucoup de services de diabétologie, remarque le Dr Catherine Fermon, praticien hospitalier dans l'unité lilloise. Il débouche souvent sur une chirurgie traumatisante - l'amputation - et met en échec les médecins. »
Les plaies chroniques du pied demeurent l'une des complications les plus graves du diabète. Entre cinq à dix pour cent des patients souffrant de diabète de type 2 seront un jour amputés d'un orteil, du pied ou de la jambe. Le pronostic après amputation n'est guère meilleur. Dans 22 % des cas, une réintervention pour absence de cicatrisation est nécessaire et, dans 10 % des cas, l'amputation controlatérale ne peut être évitée.
Plus de 8 000 amputations par an.
En France, on dénombre chaque année 8 500 amputations liées au diabète. Ces complications ont un retentissement économique considérable. Le pied représente à lui seul 20 % des dépenses de santé liées au diabète et 20% des hospitalisations en service de diabétologie. Le délai moyen de séjour est de plus extrêmement long : il oscille entre quatorze et quarante-cinq jours.
« Cette évolution péjorative n'est pourtant pas inéluctable, assure Catherine Fermon. Elle est due le plus souvent à un diabète mal équilibré. Les complications s'installent après dix à quinze années de déséquilibre. En prenant le problème en charge très tôt, on peut éviter les situations les plus sévères. »
Les plaies chroniques du pied nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire : à Lille, l'unité de soins travaille en partenariat étroit avec plusieurs services spécialisés. Une équipe de chirurgiens assure les interventions de drainage, les amputations et la revascularisation des pieds artéritiques. Des médecins de rééducation fonctionnelle interviennent également de façon régulière dans le service pour mettre le pied en décharge, lorsque la lésion est installée (grâce à des plâtres ou des coques en résine portées le temps de la cicatrisation), ou mettre en place des orthèses afin de prévenir les récidives. Ils sont aussi consultés pour l'appareillage des patients amputés.
Lorsque le patient souffre d'ostéite, l'équipe lilloise l'oriente vers le service des maladies infectieuses de Tourcoing, plus à même de traiter les infections sévères. Et elle se rapproche parfois des spécialistes du caisson hyperbare pour traiter les plaies difficiles à guérir.
« A Lille, le partenariat fonctionne bien et nous formons un réseau informel très solide qui nous permet de travailler en bonne synergie, se félicite Catherine Fermon. Le problème tient plutôt au diagnostic trop tardif. Bien souvent, les patients arrivent par les urgences, avec des phlegmons ou des plaies très infectées. Les diabétiques n'ayant plus la sensibilité des pieds, les plaies peuvent évoluer durant des mois sans les faire souffrir. Nous les découvrons au décours d'une complication infectée. »
Il n'est pas rare qu'une petite plaie de la pulpe, peu visible à l'examen, révèle après radiographie une atteinte de l'os. Parfois, le drainage de la plaie et une antibiothérapie sérieuse suffisent à enrayer l'infection. « Mais si le patient vient six mois plus tard, cela peut se terminer par une amputation. Une plaie n'est jamais anodine chez le diabétique », souligne la diabétologue, qui insiste sur la nécessité de faire déchausser le patient à chaque consultation.
« Quatre-vingts pour cent des diabétiques sont suivis par leur généraliste. Il est donc essentiel d'examiner systématiquement les pieds du patient lors d'une consultation. L'utilisation du monofilament (un fin filament de Nylon donnant une sensation tactile) sur la plante des pieds permet de dépister la neuropathie chez le diabétique. En cas de perte de sensibilité, il faut examiner soigneusement les pieds et donner des conseils de prévention : porter des chaussures adaptées, se surveiller les pieds régulièrement, grâce à un miroir posé au sol, et éviter les gestes de pédicurie qui peuvent blesser le pied. »
Éducation aux soins.
Dans l'unité lilloise, la prévention occupe une large place. Les patients présentant des plaies chroniques sont souvent des patients peu observants et l'éducation revêt une importance essentielle. « En pratique, les messages de prévention sont difficiles à faire passer car le pied semble loin, pour les patients, et ils ont tendance à le négliger. Il faut passer beaucoup de temps à expliquer les soins d'hygiène nécessaires et les gestes de prévention à adopter. » Ce sont les aides-soignantes qui se chargent de cette mission essentielle.
Depuis peu, l'équipe expérimente un groupe thérapeutique de prévention. Lors d'hospitalisations de courte durée, les patients sont regroupés par quatre pour une sensibilisation et une éducation aux soins.
« Lorsque ce travail d'éducation du patient est fait, le nombre d'amputations baisse sensiblement, constate Catherine Fermon. Mais cela demande du temps et du personnel. Or nous sommes toujours en sous-effectifs. En diabétologie, le temps consacré à l'éducation n'est pas comptabilisé. Dans la T2A, rien n'est prévu pour tenir compte de ce volet thérapeutique. C'est un grave problème. »
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