DÈS QUE LES PREMIERS rapports européens ont fait état de l’apparition de la souche épidémique (PCR-ribotype 027) de Clostridium difficile en Europe (Grande-Bretagne, Belgique et Pays-Bas), l’Institut de veille sanitaire (InVS), dans le cadre de sa veille prospective, a alerté les Cclin (centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales) et les établissements de santé français. «Les spécialistes de l’hygiène ont été prévenus très tôt. Cela a sans doute permis de mieux contrôler l’épidémie. Il faut savoir qu’au Québec cette souche a fait plusieurs milliers de victimes», explique au « Quotidien » le Dr Anne Carbonne, du centre de coordination de la lutte contre les maladies nosocomiales de l’interrégion Nord.
Depuis 2003, C.difficile,bacille à gram positif anaérobie, fréquemment impliqué dans les diarrhées postantibiotiques (15 à 25 %) et première cause de diarrhées nosocomiales, évolue de façon préoccupante. A cette date, apparaît aux Etats-Unis et au Québec une nouvelle souche particulièrement virulente, à fort potentiel épidémique et responsable d’infections sévères. En France, la souche 027 avait déjà été isolée de manière ponctuelle dans quelques hôpitaux, mais n’avait jamais été à l’origine d’épidémie.
Le premier épisode survient en janvier dernier à l’hôpital de Valenciennes (« le Quotidien » du 10 mai). Quarante et un cas sont signalés entre janvier et mai 2006, dont 14 décès qui ne sont pas directement imputables à l’infection. L’InVS rappelait à cette occasion la nécessité de signaler au Cclin et à la Ddass «tout cas d’infection à Clostridium difficile sévère (ICD) ou toute épidémie d’ICD», afin de détecter et de contrôler précocement l’émergence de cette souche.
Un âge médian de plus de 80 ans.
Depuis cet épisode, aujourd’hui contrôlé, 15 autres établissements ont été concernés par un ou plusieurs cas. Le bilan établi par l’InVS la semaine dernière fait état de 16 établissements touchés dans le Nord - Pas-de-Calais, dont 11 liés à la souche 027 (2 ne le sont pas et 3 sont en voie de caractérisation).
Depuis janvier, 237 personnes ont été atteintes dans des services de court séjour (médecine, gériatrie et plus rarement chirurgie) ou de soins de suite et de réadaptation. Il s’agit le plus souvent de personnes âgées avec un âge médian supérieur à 80 ans. Le nombre de décès recensés est de 64 (27 %) mais seulement 14 (5,9 %) ont été considérés par les cliniciens comme au moins partiellement imputables à l’infection par C.difficile. Sur les 15 établissements supplémentaires touchés, 2 ont déclaré plus de 30 cas. Selon l’InVS, «neuf des épisodes sont contrôlés et sept sont encore considérés comme actifs», avec de nouveaux cas déclarés depuis moins de 15 jours. L’institut signale que, en dehors du Nord - Pas-de-Calais, 11 établissements ont signalé un ou plusieurs cas d’infection à C.difficile, mais qu’aucun cas confirmé n’est dû à la souche 027. «Le dernier signalement concerne un cas sévère avec décès, dans un hôpital parisien», mais la souche concernée est en voie d’expertise.
Vive inquiétude.
L’origine de la souche présente en France «pourrait être liée, selon l’InVS, à la proximité du Nord - Pas-de-Calais avec d’autres pays déjà concernés», la Belgique, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne et sa diffusion, «probablement liée au transfert des patients entre établissements de santé».
Cette situation soulève une vive inquiétude chez les associations de patients et quelques élus. L’association Droits des victimes (DAV) a demandé au ministère de la Santé de «diligenter une enquête administrative pour déterminer les responsabilités de chacun», estimant, par la voix de son président, Fabrice Rouderies, «qu’on n’a pas pris la mesure de cette épidémie, ni de ce qui s’était passé dans les autres pays». L’association de lutte contre les infections nosocomiales, le Lien, présidé par Claude Rambaud, réclame pour sa part «le lancement sans délai d’une étude exhaustive tant en milieu hospitalier qu’en ville, au niveau national, afin de s’assurer qu’il n’existe pas d’autres foyers inconnus sur le territoire». Le maire PS de Lens, Guy Delcourt, a dénoncé une «faute» des services de l’Etat qui n’ont pas informé «en temps réel» les élus de l’ampleur de l’infection.
A la demande du ministère de la Santé, Didier Houssin s’est rendu sur place le 28 août, afin d’évaluer la situation. Des mesures ont déjà été prises : au niveau régional (isolement des patients, renforcement de l’hygiène des mains, usage de gants et surblouses, bionettoyage renforcé, regroupement des patients, réduction des admissions et suivi renforcé des signalements) ; et au niveau national (mise en place d’un réseau de laboratoires experts, envoi d’une circulaire sur la maîtrise des infections à C.difficile à tous les établissements de santé, élaboration, dès l’apparition des premiers cas, d’un guide d’aide au diagnostic, à la surveillance des infections disponibles).
En outre, les autorités ont décidé de renforcer la capacité de surveillance, d’abord dans le Nord - Pas-de-Calais, les régions limitrophes (Champagne, Haute-Normandie, Picardie) et en Ile-de-France, puis sur l’ensemble du territoire. Des actions d’information vont être développées auprès des professionnels de santé, hospitaliers et libéraux des établissements médico-sociaux. Une réunion d’information est prévue cette semaine avec les élus de la région Nord - Pas-de-Calais en présence du directeur général de la santé. Enfin, une mission d’évaluation de la gestion de l’épidémie devrait être diligentée.
Des antennes régionales
Un arrêté publié au « Journal officiel » du 2 septembre crée les antennes régionales de lutte contre les infections nosocomiales. Dotées au minimum d’un médecin ou pharmacien et d’un infirmier ou d’un cadre de santé formés en hygiène, implantées dans un établissement de santé, elles doivent assurer un relais de proximité des Cclin (Centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales) auprès des établissements de santé. Cette mission passe par le conseil et l’assistance aux établissements, l’animation régionale des réseaux de surveillance, la gestion de proximité des signalements, l’organisation de sessions de formation continue, l’aide à l’évaluation des pratiques et l’aide à la définition par les établissements d’un programme de gestion des risques.
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