Neurinome de l'acoustique

Surveillance, radiothérapie ou chirurgie

Publié le 21/11/2007
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L'ÉVOLUTION naturelle du neurinome de l'acoustique (NA) est de graduellement envahir la totalité du conduit auditif interne pour gagner secondairement l'angle ponto-cérébelleux (APC). Plusieurs attitudes thérapeutiques sont possibles, qu'il convient d'exposer au patient.

En fonction de leur degré de développement lors du diagnostic, les NA sont classés en quatre stades :

– stade 1 : tumeur de siège exclusivement intracanalaire ;

– stade 2 : tumeur ne présentant qu'un faible débord dans l'APC, pouvant arriver au contact du tronc cérébral, sans toutefois avoir d'effet de masse ;

– stade 3 : tumeur marquant son empreinte sur le tronc cérébral, mais ayant un retentissement fonctionnel modéré ;

– stade 4 : tumeur volumineuse qui comprime le tronc cérébral, refoule le quatrième ventricule et induit une hypertension intracrânienne.

Première option : la simple surveillance.

La prise en charge du NA ne se résume pas à la chirurgie et à la radiothérapie. Il existe une troisième option qui est la simple surveillance. Le NA est, en effet, une tumeur dont la croissance est le plus souvent lente. Les études ont, de fait, permis de définir le profil évolutif de ces tumeurs :

– 15 % ont une croissance relativement rapide (de l'ordre de 3 à 5 mm linéaires par an) ;

– 40 % ont une croissance lente (≤ 1 mm par an) ;

– 40 % ne grossissent pas sur une période de suivi de 3 ans, voire au-delà ;

– 5 % régressent spontanément.

Ces données ont conduit à considérer, dans les années 1990, qu'il était licite, dans certains cas, de surseoir à l'intervention et de se borner à surveiller l'évolution de la tumeur par la réalisation de contrôles par IRM tous les ans.

Deuxième option : la chirurgie.

A côté de l'approche neurochirurgicale classique sont apparues, dans les années 1960, différentes techniques opératoires qui utilisent les voies otologiques, le patient étant placé en décubitus dorsal. Cette stratégie a pour avantages de supprimer le risque anesthésique lié à la position assise et de permettre d'étendre la chirurgie aux sujets âgés.

Les trois voies d'abord les plus utilisées en chirurgie otologique sont :

– la voie sus-pétreuse qui est réservée aux petites tumeurs intracanalaires ou à faible débord dans l'APC. Elle comporte un risque de lésion du nerf facial (environ 10 % des cas), mais permet de préserver l'audition dans 50 à 70 % des cas ;

– la voie rétrosigmoïde, indiquée lorsque la tumeur est de taille petite ou moyenne, déborde dans l'APC, mais n'envahit pas le fond du conduit auditif interne. Le risque d'atteinte du nerf facial n'excède pas 5 % et l'audition est préservée dans environ 50 % des cas ; en revanche, lorsque le fond du conduit est envahi, il existe un risque de récidive de la tumeur ;

– la voie translabyrinthique qui permet d'exposer complètement le conduit auditif interne et procure un accès direct à l'APC sans nécessiter la rétraction ou l'écartement du cervelet. Cette voie d'abord peut être utilisée quel que soit le volume du NA. L'incidence des paralysies faciales dépend du volume de la tumeur ; lorsque celle-ci est circonscrite au conduit auditif interne ou à une extension limitée dans l'APC, le taux est de l'ordre de 5 %. En revanche, la voie translabyrinthique a l'inconvénient de supprimer l'audition dans tous les cas.

En dehors du risque de paralysie faciale temporaire ou définitive, qui est largement dépendant de la taille de la tumeur, les autres risques liés à l'intervention sont minimes ; l'incidence des fuites de LCR est notamment inférieure à 5 % pour les équipes entraînées.

La mortalité opératoire est aujourd'hui inférieure à 1 %, tous volumes tumoraux confondus.

Troisième option : la radiothérapie.

Trois types différents de radiothérapie sont actuellement utilisables pour traiter un NA :

– la radiochirurgie, ou radiothérapie en condition stéréotaxique, qui consiste en une irradiation à dose unique réalisée au moyen d'un accélérateur linéaire de particules dédié ou d'un Gamma Knife ;

– la radiothérapie classique, consistant à délivrer une dose totale de l'ordre de 54 Gy en 30 fractions de 1,8 Gy ;

– la radiochirurgie hypofractionnée, qui est une approche intermédiaire entre les deux précédentes, la dose de rayonnement étant délivrée en 3 à 5 fractions. Cette stratégie serait théoriquement moins toxique et permettrait une meilleure conservation de l'audition que les deux autres.

Comparativement à la chirurgie, la radiochirurgie a pour avantages l'absence d'anesthésie générale, la brièveté de l'intervention et la courte durée de l'hospitalisation (48 heures au maximum). Il y a très peu de complications depuis que les doses délivrées ont été considérablement réduites. Les paralysies faciales sont très rares. Selon certains auteurs, la conservation de l'audition serait, en outre, meilleure qu'après chirurgie.

L'inconvénient de la radiochirurgie tient au risque de récidive. Cela impose de réaliser une surveillance par IRM tous les trois ou six mois au début, puis à intervalles annuels. La récidive, lorsqu'elle survient (l'incidence ne dépasse pas 5 % dans les grosses séries), peut poser des problèmes de prise en charge, car on intervient alors en territoire irradié. De plus, si la décision est prise d'opérer, le risque d'atteinte du nerf facial est notablement majoré.

Enfin, le recul est beaucoup moins grand pour la radiochirurgie que pour la chirurgie. En particulier, le risque oncogène de l'irradiation n'a pas fait l'objet d'évaluations, bien que des cas de méningiome ou de cancérisation aient été décrits.

Par souci de clarté, les modalités de prise en charge des NA sont décrites ci-après en fonction du stade de la tumeur ; il s'agit toutefois d'une approche arbitraire dans la mesure où, dans la pratique, les situations ne sont pas aussi parfaitement tranchées : ainsi, une tumeur ayant complètement envahi le conduit auditif interne est plus proche du stade 2 que du stade 1.

Les tumeurs de stade1. Face à une petite tumeur de siège intracanalaire, l'attitude a priori logique est la surveillance. Si l'audition du patient n'est pas encore altérée du côté atteint, la tendance générale consiste à pratiquer un contrôle IRM à six mois pour juger de la vitesse de croissance du NA. S'il s'agit d'une tumeur à croissance lente, il est licite de temporiser et de poursuivre la surveillance à raison d'un contrôle tous les ans. En revanche, si, après six mois, la tumeur a déjà grossi, il est préférable d'opérer sans plus attendre. Il existe un second cas de figure qui est celui du patient ayant déjà perdu l'audition du côté où siège le NA. L'indication chirurgicale doit être d'emblée posée, car le seul objectif est désormais de préserver au maximum le nerf facial ; lorsqu'on intervient à ce stade, le taux de bons résultats en ce domaine est d'environ 95 %.

Les tumeurs de stade2. Chez un sujet jeune, si le NA occupe déjà tout le conduit auditif interne et a commencé à envahir l'APC, il faut intervenir sans plus tarder. La préférence est, ici, plutôt donnée à la chirurgie, bien qu'un traitement radiochirugical soit également envisageable ; la décision sera prise en concertation avec le patient.

Chez un sujet âgé de 60 ans ou plus, il est licite de se limiter à une simple surveillance, compte tenu de la lenteur de croissance du NA. Si les contrôles IRM montrent que la tumeur grossit, ce patient sera alors une bonne indication de la radiothérapie.

Les tumeurs de stade3. La radiochirurgie et la chirurgie sont toutes deux envisageables, mais, là encore, l'option chirurgicale est généralement privilégiée chez les sujets jeunes. En termes de préservation du nerf facial, la chirurgie donne 70 % de bons résultats dans cette indication.

Les tumeurs de stade4. Elles relèvent de la chirurgie. Lors de l'exérèse de ces volumineuses tumeurs, le taux de conservation du nerf facial n'est toutefois que de 50 %. Les exérèses partielles suivies de radiothérapie sont à éviter, car, outre le risque hémorragique postopératoire immédiat lié à l'exérèse partielle, la radiothérapie ne peut que compliquer la situation ultérieure.

Pas de limite d'âge.

Il importe de souligner qu'il n'y a aucune limite d'âge pour opérer un NA de stade 4 : une intervention par voie translabyrinthique peut fort bien être proposée à un patient âgé de 80 ans, dès lors qu'il ne présente pas de pathologie associée susceptible de lui faire encourir un risque opératoire particulier. En conclusion, que le traitement consiste à enlever le NA ou à stopper sa croissance, l'objectif est, dans tous les cas, de prévenir les graves conséquences de l'extension de la tumeur vers les structures cérébrales et non à améliorer la situation existante. Cela signifie notamment que, si le patient avait déjà une perte d'audition avant traitement, il n'y a que peu de chances qu'elle s'améliore ensuite.

* Service de radiothérapie oncologique, groupe Pitié-Salpêtrière, Paris.
** Service d'otologie et d'oto-neurologie, hôpital Beaujon, Clichy.

> Dr BERNARD OLLIVIER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8262