C'EST DANS les années 1970, grâce aux travaux de Judas Folkman, qu'est né le concept de néoangiogenèse tumorale. Au premier stade de développement du cancer, la croissance des cellules tumorales est assurée par la simple diffusion de l'oxygène et du glucose. Mais, à partir d'un certain volume, les cellules localisées au centre de la tumeur deviennent hypoxiques. L'hypoxie entraîne toute une cascade de signalisation avec production de facteurs de croissance proangiogéniques, dont le chef de file est le Vegf (Vascular Endothelial Growth Factor). Ces facteurs agissent sur les cellules endothéliales des vaisseaux proches de la tumeur, qui se divisent, migrent et digèrent la matrice extracellulaire, induisant la formation de nouveaux vaisseaux.
L'étude par imagerie fonctionnelle de la microcirculation tumorale repose sur une approche similaire à celle développée pour l'étude de l'activation cérébrale, à savoir l'analyse non pas de la tumeur elle-même, mais de l'architecture vasculaire sur laquelle elle s'appuie pour progresser. « L'IRM a été le fer de lance de ces recherches », indique le Pr Cuénod. L'imagerie de la microcirculation consiste en une étude en temps réel du rehaussement de signal après injection de produit de contraste, avec l'établissement de courbes de cinétique analysées par des logiciels. Grâce à des modèles pharmacocinétiques, différents paramètres physiologiques sont extraits de ces courbes, comme le débit et le volume sanguins dans le réseau, ainsi que le temps de transit. L'imagerie de la néoangiogenèse tumorale se développe également en scanner et en échographie.
Avantages et inconvénients du scanner et de l'IRM.
Le scanner a l'avantage de permettre une étude fonctionnelle dans le cadre d'un bilan corps entier, ce qui constitue un atout lorsque l'on ignore, avant l'examen, où est située la cible à analyser. L'IRM est une technique beaucoup plus focalisée (certes, l'IRM corps entier commence à se développer, mais elle n'est pas encore mature). Le caractère linéaire de la relation entre l'intensité du rehaussement de signal et la concentration du produit de contraste est un autre avantage du scanner. « En IRM, explique le Pr Cuénod, cette relation est beaucoup plus complexe. » D'où la nécessité d'une attention particulière dans l'interprétation des données quantitatives. En revanche, par rapport au scanner, l'IRM a l'avantage d'être non ionisante et offre des approches multiples de la microcirculation tumorale en un seul examen (technique « one stop shop »). Avec l'IRM, en effet, il est possible de réaliser une analyse de la perfusion, bien sûr, mais également de la diffusion, de l'oxygénation - avec la technique Bold (Blood Oxygenation Level Dependent) - et de la composition biochimique par spectroscopie. Si ces deux techniques sont en compétition pour l'étude de la néoangiogenèse tumorale, le Pr Cuénod pronostique que « l'IRM, grâce à son caractère multiparamétrique pourrait à terme prendre l'avantage ».
Début de l'utilisation chez l'homme.
L'imagerie de la néoangiogenèse tumorale a jusqu'à présent fait l'objet de travaux surtout chez l'animal. Chez l'homme, on en est au début de son utilisation. C'est dans la recherche pharmaceutique qu'elle est la plus développée. A l'heure actuelle, le critère d'évaluation de l'efficacité des nouvelles molécules anticancéreuses est la diminution de la taille de la tumeur (critères OMS et Recist). Or, celle-ci est tardive et, dans certains cas, la réponse au traitement s'accompagne même d'une augmentation temporaire de la taille de la tumeur par un œdème dû à des phénomènes de nécrose et d'inflammation. Avec les techniques d'imagerie fonctionnelle, y compris le TEPscan qui permet d'étudier l'activité métabolique, la réponse peut être évaluée très rapidement, parfois dès la 48e heure au lieu de plusieurs mois avec le critère taille. Enfin, l'imagerie des néovaisseaux se développe dans deux autres domaines plus spécifiques : d'une part, les tumeurs cérébrales avec la possibilité de réaliser diagnostic différentiel entre tumeur maligne et bénigne et entre lymphomes et tumeurs primitives et, d'autre part, l'IRM du sein.
« L'évolution vers une étude quasiment en routine de la néoangiogenèse tumorale par imagerie est inéluctable et se fera de façon naturelle, estime le Pr Cuénod. L'outil est disponible, mais l'information concernant la vascularisation et la perméabilité capillaire n'est pas encore exploitée. » Cependant, comme c'est le cas pour toutes les avancées médicales et technologiques, l'utilisation de l'imagerie dans ce domaine de la cancérologie nécessitera une évaluation et une formation préalable des radiologues.
*D'après un entretien avec le Pr Charles-André Cuénod, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
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