Maladies rénales kystiques héréditaires
Par le Pr Bertrand Knebelmann*
LA PKD EST UNE maladie héréditaire relativement fréquente (1/1 000) se manifestant généralement à l'âge adulte et caractérisée par l'existence de multiples kystes rénaux et souvent hépatiques. Les kystes du rein sont des cavités remplies de fluide et bordées de cellules épithéliales dérivant de différents segments du néphron. Alors que les kystes simples sont bénins et fréquents chez les sujets âgés, dans la PKD, les kystes se développent tôt dans la vie dans les deux reins et augmentent en nombre et en taille pour finalement détruire le parenchyme rénal.
Les manifestations rénales de la PKD sont des douleurs lombaires chroniques, des épisodes d'hématurie macroscopique, des infections urinaires hautes fébriles, des épisodes de lithiase urinaire. Une hypertension artérielle se développe très fréquemment, souvent avant le stade d'insuffisance rénale. L'insuffisance rénale chronique (IRC) touche de 60 à 80 % des patients. Le stade d'insuffisance rénale terminale (IRT) est atteint à un âge moyen de 55 ans, souvent plus tôt chez les hommes et si le gène PKD1 est en cause. Une polykystose hépatique est présente dans environ 70 % des cas. Les kystes hépatiques sont plus fréquents, plus précoces et plus volumineux chez la femme. Des complications d'atteinte massive du foie peuvent alors survenir (à type de douleurs, gêne à l'alimentation, choléstase, hypertension portale par bloc suprahépatique, pouvant nécessiter un traitement chirurgical délicat). Enfin, le caractère multisystémique de cette affection est illustré par des manifestations extrarénales non kystiques : des valvulopathies cardiaques et surtout des anévrismes intracérébraux (AIC). La prévalence de ces anévrysmes est de 5 à 8 %. Ils peuvent se compliquer de rupture qui est parfois inaugurale de la maladie. Leur recherche systématique (par angio-IRM) est limitée aux patients ayant un antécédent personnel ou familial d'AIC.
Mutations des gènes PKD1 et PKD2.
Le diagnostic positif d'une PKD repose sur la nature héréditaire autosomique dominante de la maladie et l'échographie montrant deux reins augmentés de taille et comportant de multiples kystes corticaux et médullaires. La PKD est une maladie monogènique avec hétérogénéité génétique. 80 % des cas sont liés à une mutation du gène PKD1 situé sur le chromosome 16, 10 à 15 % des cas étant liés à une mutation du gène PKD2 situé sur le chromosome 4. De façon surprenante, il a été mis en évidence des mutations somatiques de PKD1 ou PKD2 au sein des cellules bordant les kystes rénaux ou hépatiques, à l'instar de ce que l'on observe pour les gènes suppresseurs de tumeur. La grande taille du gène PKD1 rend très difficile la recherche de mutations en routine.
Les gènes PKD1 et PKD2 codent pour de grandes protéines transmembranaires, les polycystines 1 et 2 qui s'associent entre elles à la membrane. Ce complexe forme un canal à cations perméable au calcium. Les mécanismes impliqués dans la kystogenèse rénale font intervenir une prolifération accrue et une différenciation incomplète des cellules épithéliales tubulaires, ainsi qu'une sécrétion de fluide intrakystique responsable de l'expansion des kystes et un remaniement de la matrice extracellulaire.
La combinaison de l'étude de modèles génétiques animaux de polykystose et de la biologie cellulaire a permis de faire de grands progrès dans la compréhension de ces maladies. Plusieurs modèles murins de polykystose développent également des anomalies de la latéralisation droite-gauche des organes. Ces défauts de latéralisation ont été attribués à l'absence ou au dysfonctionnement du cil nodal durant l'embryogenèse. Les cils primaires sont des organelles prenant naissance au niveau du corps basal de la cellule et reliés au centriole. Ils comprennent 9 doublets de microtubules entourés par une membrane en continuité avec la membrane plasmique. La plupart des cellules de l'organisme ont un cil à leur surface, notamment les cellules tubulaires rénales. Au cours du développement, le cil nodal, grâce à une mouvement de rotation asymétrique sur lui-même, génère un gradient de morphogènes indispensable à la latéralisation. Les polycystines semblent jouer un rôle en régulant les flux calciques à ce niveau. A la surface des cellules tubulaires rénales, les cils, immobiles, jouent un rôle de « méchanotransduction », sensible au flux urinaire intratubulaire. Les modèles de souris invalidées pour PKD1 ont montré que les polycystines étaient indispensables au signal calcique intracellulaire généré par l'action du flux sur les cils. Cette fonction des cils pourrait leur permettre d'agir sur la balance glomérulo-tubulaire et le transport transépithélial de fluide, un processus défectueux dans les reins polykystiques. Le rôle des cils en pathologie humaine est de plus en plus reconnu, dans d'autres maladies kystiques rénales, comme la néphronophtise et dans des pathologies associées comme la rétinite pigmentaire en raison du rôle des cils au niveau des photorécepteurs.
Les modèles animaux ont permis également de tester de nouvelles thérapeutiques. Notamment, les antagonistes des récepteurs de la vasopressine (hormone antidiurétique), développés en raison de leurs propriétés aquarétiques, ont montré une efficacité remarquable dans plusieurs modèles de polykystose. Le mécanisme de leur efficacité reste à préciser, mais il passerait par un blocage des effets de l'AMPc sur la sécrétion de fluide et la prolifération des cellules tubulaires rénales.
*Service de néphrologie et Inserm U507, hôpital Necker, Paris.
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