La découverte étonnante d'un ADN mitochondrial (ADN mt), provenant du père chez un jeune homme, représente une exception à ce qui était jusqu'à présent la règle. Une application pratique en découle : il est intéressant de rechercher l'origine de l'ADN chez des patients présentant des mutations mitochondriales sporadiques, comme celle du cas relaté. Sur un plan plus théorique, cette observation peut entraîner des polémiques chez les chercheurs qui s'intéressent à l'évolution.
Les biologistes, qui ne trouvent jamais trace d'ADN mt après seulement quelques jours d'embryogenèse, postulent que tout un chacun hérite de l'ADN mt de sa mère, chez qui il provient de la grand-mère, et ainsi de suite en remontant l'arbre phylogénétique de l'espèce. On peut ainsi dater la séparation entre deux groupes en considérant le degré de différence entre les ADN mt. Ce qui a conduit à la théorie des humains descendant d'une « Eve africaine », image faisant allusion à un petit groupe d'ancêtres communs qui auraient vécu il y a environ 100 000 ans.
La provenance paternelle de l'ADN pourrait remettre en question cette hypothèse, à condition toutefois de prouver qu'il s'agit d'autre chose que d'un accident. Ce qui reste à démontrer.
Exclusivement transmis par la mère
Les mitochondries, organites de « respiration cellulaire », possèdent un ADN distinct, séparé de l'ensemble du génome et exclusivement transmis par la mère. Les mitochondries des spermatozoïdes disparaissent au cours des étapes précoces de l'embryogenèse par destruction sélective.
La description, rapportée dans le « New England Journal of Medicine », est celle d'un homme de 28 ans souffrant d'intolérance sévère à l'exercice. Il n'a jamais été capable de courir plus que quelques pas et le moindre exercice s'accompagnait d'acidose lactique. Comme ni ses parents ni sa sur ne présentaient d'anomalies à l'exercice, des investigations poussées ont été entreprises. Des biopsies des quadriceps cruraux ont alors révélé des anomalies en faveur d'altérations mitochondriales. L'ADN a ensuite été isolé du sang, des muscles, des racines, des cheveux et des fibroblastes cutanés, du patient, ainsi que des autres membres de la famille. Le diagnostic biologique est celui d'une myopathie mitochondriale par délétion de deux paires de bases sur le gène ND2 (aussi nommé MTND2), qui code une sous-unité du complexe enzymatique I (catalytique) de la chaîne respiratoire mitochondriale. Deux haplotypes différents d'ADN sont trouvés chez le jeune patient, dont l'un est présent chez la mère et l'autre chez le père. Et l'ADN mt présent dans les muscles du patient est identique à celui trouvé dans le sang de son père et du frère de ce dernier. Tandis que l'ADN mt du sang, des racines de cheveux et des fibroblastes semble ne provenir que de la mère.
Une mutation spontanée
Les auteurs en concluent que la mutation du gène ND2 est survenue spontanément, soit au niveau des cellules germinales, soit au cours d'une étape précoce de l'embryogenèse. Cette mutation qui n'est présente qu'au niveau des muscles squelettiques n'a pas plus d'effet qu'une intolérance à l'exercice. « Nous présumons que le processus d'inactivation de l'ADN mt paternel peut être mis en défaut dans certains cas, ce qui donne la possibilité aux mitochondries paternelles de s'exprimer dans certains tissus », concluent les auteurs.
Marianne Schwartz et John Vissing, « New England Journal of Medicine », vol. 342, n° 8, 22 août 2002, pp. 576-580, et commentaire, pp. 609-610.
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