Le Généraliste. Quelles sont les causes de ces décès ?
Pr Philippe Ryvlin. Dans la moitié des cas, la mort est liée à la survenue de crises d’épilepsie, par le biais d’accidents, d’états de mal mais aussi de morts soudaines inattendues (sudden unexpected death in epilepsy ou SUDEP). Autre donnée non négligeable : un taux de suicide 3 à 6 fois plus élevé chez les patients souffrant d’épilepsie que dans la population générale.
Que sont les SUDEP ?
Pr P.R. Ce sont des décès brutaux, sans facteur déclenchant (en dehors de la crise) ou maladie explicative (absence d’infarctus du myocarde, d’embolie pulmonaire, d’AVC ou autre), liés directement à la survenue d’une crise. La nature exacte des événements conduisant à la mort est mal élucidée, mais 2 mécanismes sont sans doute en cause : un arrêt cardiaque par troubles du rythme ou de la conduction ; et surtout une détresse respiratoire aiguë d’origine centrale ou obstructive.
Y a-t-il des circonstances favorisantes ? Certains examens complémentaires révèlent-ils des anomalies spécifiques ?
Plusieurs facteurs prédisposent au risque de SUDEP : être jeune et de sexe masculin ; souffrir de crises partielles complexes, notamment pharmaco-résistantes, et depuis longtemps ; avoir des crises nocturnes ; être traité par plus de 3 anti-épileptiques différents ; dormir seul. Aucun examen complémentaire ne permet d’anticiper ce risque, ni EEG, ni ECG, ni imagerie cérébrale. Mais réaliser un ECG chez un patient à risque permet de s’assurer qu’il n’existe aucune autre pathologie, notamment un trouble du rythme ou de la conduction cardiaque, pouvant le majorer.
Quelles mesures préventives préconiser ?
Le meilleur moyen de prévenir le risque de SUDEP est de contrôler la maladie épileptique. Face à un patient ayant une épilepsie partielle difficile à équilibrer, le généraliste doit se poser un certain nombre de questions (cf encadré). L’un des points essentiel reste la maîtrise de l’environnement : les accidents liés à la survenue de crise sont une cause importante de morbimortalité. Les noyades sont très fréquentes. La plongée est interdite ; la plupart des activités aquatiques sont permises, sous réserve d’un encadrement adapté (surveillance, sauvetage possible…). La douche est à préférer au bain ; les variateurs de température évitent la survenue de brûlures graves (le patient se met sous la douche, ouvre le robinet d’eau chaude et convulse sous une eau brûlante qu’il n’a pas eu le temps de régler…). L’installation de plaques à induction (s’éteignant seules dès que la poêle ou la casserole se renversent) s’avère également utile. Le problème de la conduite automobile reste délicat ; le médecin doit informer son patient des risques possibles, mais il ne peut lever le secret médical si celui-ci n’effectue pas les démarches requises. Enfin, un mot sur la surveillance nocturne : dormir avec un conjoint ou dans la même chambre qu’un tiers est associé à un moindre risque de décès. C’est une notion importante, à discuter au cas par cas. Un système d’alarme de type « baby phone » peut ainsi être proposé aux parents d’adolescents concernés.
Que penser de la chirurgie ?
Les études prospectives ont démontré de façon éclatante le gain apporté par la chirurgie en termes de qualité de vie et coût social chez les patients souffrant d’épilepsie partielle pharmacorésistante. Les choses sont moins claires pour le risque de SUDEP. Les études multicentriques en cours devraient permettre de répondre à cette question dans les 3 années à venir.
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