LES FRANÇAIS, bien entendu, ont participé à la joie des Italiens. En espérant que les deux otages français seraient à leur tour libérés. Nous-mêmes, en écrivant ces lignes, formulons l'espoir qu'elles seront vite dépassées par une excellente nouvelle.
L'enthousiasme général soulevé par le retour des deux Simona ne doit pas effacer la leçon politique qu'il faut en tirer. Voilà un personnage, Silvio Berlusconi, qui, pratiquement ne possédait aucune carte dans ce poker d'enfer : un corps expéditionnaire italien fait partie des forces de la coalition et deux civils de la péninsule ont été assassinés pour cette raison ; imaginer que les terroristes (ou plutôt les sicaires, les brigands, les bandits de grand chemin) feraient la différence entre des prisonniers et des prisonnières, qu'ils tiendraient compte de l'action humanitaire des deux Simona - et de l'amour de l'Irak que Mme Pari a réaffirmé dès mercredi -, était pure spéculation à propos d'un chaos où la violence remplace l'analyse ; enfin, objectivement, M. Berlusconi, qui soutient M. Bush et sa politique, est l'ennemi des insurgés irakiens.
Des deux Simona, ils auraient pu ne faire qu'une bouchée. La première raison pour laquelle ils les ont épargnées, puis libérées, c'est sûrement l'argent (on parle d'un million de dollars) ; la seconde, c'est l'action du roi Abdallah de Jordanie qui, un peu comme le président du Pakistan, Pervez Musharraf, dispose de services de renseignements qui combattent et parlementent à la fois avec d'autres Jordaniens, terroristes de leur métier ; la troisième - et peut-être la plus importante -, c'est que ce simplificateur de Berlusconi qui, à l'instar de Bush, agace si prodigieusement M. Chirac, a su en l'occurrence, ne pas faire de politique.
CHANCE OU EXPLOIT, BERLUSCONI A GAGNÉ UNE PARTIE Où IL N'AVAIT AUCUN ATOUT
Une transaction.
Il n'a donc pas cédé au chantage apparent (retirez vos troupes ou nous égorgeons les deux dames), il a demandé aux Jordaniens de localiser les otages, et il a sûrement proposé de payer pour leur vie. Pour cette transaction banale qui reposait sur une bonne évaluation du cynisme des terroristes, M. Berlusconi a obtenu l'union nationale. Personne n'a critiqué sa stratégie, et sûrement pas la gauche qui ne le porte guère dans son cœur.
Le Premier ministre italien mérite son triomphe. Réussir avec un tel handicap est un tour de force. On ne doute pas qu'il ait eu de la chance, qu'il est tombé sur des salauds plus intéressés par l'argent que par une cause quelconque, que les efforts jordaniens ont été rapidement efficaces. Mais en politique, ce qui compte, c'est le résultat. Non seulement M. Berlusconi, honni hier encore par nombre d'Italiens (et souvent pour d'excellentes raisons, le chef du gouvernement de Rome n'étant pas un modèle de vertu démocratique), y gagne en popularité personnelle, mais il démontre que son amitié pour M. Bush n'est pas un péché mortel, qu'il est possible de s'associer à une politique de fermeté en Irak, même s'il est impopulaire, qu'il n'y a pas enfin de « fatalité espagnole » dans la guerre contre le terrorisme.
Le syndrome Aznar.
La fatalité en question, c'est le syndrome Aznar, du nom de l'associé espagnol de Bush : son parti a perdu les élections de mars à la suite d'attentats qui ont fait deux cents morts à Madrid.
Certes, l'Italie n'est pas à l'abri de représailles d'Al Qaïda et compagnie. Mais elle vient de marquer un point qui nous semble essentiel : si l'Europe doit trembler de peur chaque fois que des assassins la font chanter, son avenir est sombre, et, pour notre part, nous ne pensons pas que le rapatriement des troupes espagnoles par le nouveau gouvernement de Madrid soit un exploit historique. C'est un acte de lâcheté que Berlusconi, lui, n'a pas commis.
Voilà pour l'Italie. Et pour la France ? La libération des deux otages français, une fois de plus annoncée comme imminente, aura lieu peut-être avant que ne paraisse cet article. Auquel cas, elle suffira à justifier la méthode de notre gouvernement qui, lui aussi, a bénéficié de l'unité nationale et de l'aide du roi de Jordanie.
Mais peut-être n'était-il pas nécessaire que notre ministre des Affaires étrangères suggère d'associer « la résistance irakienne » à la conférence internationale proposée par les Etats-Unis. On veut espérer que M. Barnier n'avait en tête que le salut de nos otages. Sinon, ce serait triste.
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