Le goût de la nuance, le souci de ne pas heurter les âmes sensibles, une préférence pour la modération nous empêchent de traduire par quelques propos plus fermes qu'à l'accoutumée les sentiments que nous inspire le comportement actuel de la classe politique.
A ce jour, seul Jacques Chirac a su, sans réserves ni circonlocutions, apporter aux Américains blessés dans leur chair son soutien personnel et celui de son pays. Il y a des moments où nous devons savoir dire à des gens qui, quoi qu'on en dise, nous sont proches : je vous comprends et je souffre avec vous.
Mais les politiciens sont indécrottables. Il a bien fallu, dans ce pays de la « tchatche », que chacun mette sur la plaie son grain de sel. Et donc la France politique a offert le plus vaste florilège de ce que, en la circonstance, il ne faut pas faire.
• Il ne faut pas confondre islam et intégrisme. C'est fait.
• Il faut se méfier du « cow-boy texan », lequel a ruminé quatre semaines avant la première frappe.
• C'est l'Amérique qui a inventé les taliban (d'abord, c'est le Pakistan, ensuite, on commet des erreurs en France aussi et on ne les paie pas nécessairement avec six mille vies humaines).
• Nous n'avons pas à être inconditionnellement solidaires. Mais qui nous le demande ? Les Américains seraient seuls dans cette aventure qu'ils se conduiraient exactement de la même manière.
• Le peuple afghan ne doit pas souffrir davantage : pendant plus de vingt jours, les Américains ont demandé aux taliban de leur livrer Ben Laden et de fermer les camps terroristes ; les mollahs ont refusé. Les Etats-Unis devaient-ils s'asseoir sur leurs six mille morts ?
• Nous n'avons pas les preuves de la culpabilité de Ben Laden : il s'est réjoui publiquement du malheur des Américains et leur a promis de nouveaux attentats ; ça vaut bien une gifle.
• Et enfin, la crainte de l'engrenage que Lionel Jospin a cru devoir apaiser en jurant aux députés que la France ne prendrait de décision que souveraine.
Entre nous, à quoi sert cette logorrhée ? Si demain les Etats-Unis décident de bombarder l'Irak, quel risque courons-nous d'en faire autant ? Notre seul porte-avions est en panne.
De Noël Mamère à Robert Hue, en passant par Philippe Seguin (qui a rappelé, au lendemain de la tragédie, que la civilisation musulmane était la seule pendant une certaine période de l'histoire - bravo la culture, bonjour le sens de l'à-propos), chacun de nos illustres élus a cru bon de marquer sa différence. Fiers comme Artaban, jaloux de leur indépendance, subtils comme le permet l'horreur, nos politiciens se sont d'autant exprimés qu'ils ne peuvent agir. Leur ridicule, qui ne tue pas, n'est même pas atténué par la mort des autres.
Nous ne pouvons que regretter qu'il n'y ait pas en France un Tony Blair. Pas seulement parce qu'il a donné son soutien inconditionnel aux Américains sans épiloguer sur une souveraineté britannique que personne ne conteste, mais parce qu'il s'est rendu utile en se rendant au Pakistan et à Doha pour tenter de calmer les Arabes et les musulmans. Il a adopté une conduite plus efficace que le débat franco-français sur la nécessité ou non de consulter le Parlement.
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