Entretien avec Etienne Caniard

Sur le tiers payant, le patron de la Mutualité veut convaincre

Publié le 13/02/2015
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Alors que les groupes de travail du ministère de la Santé vont rendre leurs premières propositions à la mi-février, celui sur le tiers payant devait encore se réunir cette fin de semaine. De leur côté, les complémentaires santé ont bouclé leur projet le week-end dernier. Elles vont maintenant devoir s’entendre avec l’Assurance Maladie et les professionnels de santé. Etienne Caniard, président de la FNMF, s’explique et tend la main aux médecins libéraux.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Le Généraliste Sur le tiers payant, vous êtes parvenus à un compromis entre les différentes familles de complémentaires, cela a-t-il été simple ?

Etienne Caniard. L’accord entre les familles s’imposait. Pour la Mutualité Française, le tiers payant a été toujours été une solution de bon sens. D’abord parce qu’il simplifie le paiement des actes. Aujourd’hui un patient paie son assurance (obligatoire et complémentaire), paie le professionnel de santé… pour être remboursé plus tard. Le tiers payant supprime donc des étapes inutiles. Au-delà le tiers payant, c’est aussi un levier économique puissant dans une période de crise comme celle que nous traversons. Aujourd’hui il permet déjà aux patients d’éviter d’avancer 6,8 milliards d’euros de frais de soins par an. En cas de généralisation, ce chiffre atteindrait plus de 11 milliards d’euros ! Et, bien sûr, et c’est l’essentiel, la dispense d’avance de frais supprimera une des principales causes de renoncement aux soins.

Comment le dispositif va-t-il fonctionner ?

E. C. Nous nous sommes appuyés sur les préconisations du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales qui a été publié en février 2014. Que préconise-t-il ? Tout simplement de tenir compte de la réalité de l’existence de deux financeurs et d’organiser le tiers payant (qui concerne aujourd’hui 60% des dépenses de santé) avec l’Assurance Maladie pour la part obligatoire, et avec les complémentaires pour la part

complémentaire.

Concrètement, le dispositif reposera sur trois engagements forts. Premier engagement : la garantie du paiement dès la vérification automatique des droits du patient à partir du logiciel des médecins sans intervention supplémentaire de leur part. Ensuite : un engagement en matière de délais de paiement. Les professionnels doivent être payés dans des délais courts et identiques venant tant du régime obligatoire que des complémentaires. Il sera plus confortable demain pour un professionnel de santé de recevoir directement le paiement sur son compte alors qu’il doit aujourd’hui déposer ses chèques ou de l’argent en espèces à sa banque. Troisième engagement : une assistance aux professionnels de santé avec un point de contact unique et « multi-canal ».

Une association de l’ensemble des complémentaires santé assurera la mise en œuvre de ce projet et travaillera en lien étroit avec l’Assurance Maladie.

Quelles garanties allez-vous donner aux médecins ?

E.C. La simplicité, d’une part, les professionnels de santé ne devant pas avoir de « surcharge administrative » liée à la solution qui sera déployée. La sécurité et la rapidité des paiements, d’autre part, les sommes dues devant leur parvenir rapidement, dans un délai contractuel de quelques jours. Je l’ai dit à plusieurs reprises, ce n’est qu’avec les professionnels de santé que se fera la généralisation du tiers payant. C’est une co-construction du dispositif que nous proposons aux médecins.

Parmi les syndicats de médecins libéraux, certains sont hostiles au tiers payant, d’autres préconisent que l’Assurance Maladie soit le payeur unique comme avec la CMU. Pensez-vous les convaincre ?

E.C. Les professionnels de santé pensent qu’avoir un seul interlocuteur serait plus simple en faisant un parallèle avec la CMU. C’est malheureusement faux. L’apparente simplicité de la CMU n’est pas transposable à l’ensemble de la population. La solution technique que nous préconisons est la seule à permettre une garantie de paiement. Elle permettra à chaque financeur de s’engager. Cela sera neutre pour les médecins. Ils ne supporteront aucune conséquence de l’existence de deux payeurs et la consultation en ligne de l’ouverture des droits permettra de réduire considérablement les difficultés existant aujourd’hui.

Pourquoi est-ce si important pour les mutuelles d’avoir une plateforme spécifique et que l’Assurance Maladie ne soit pas le payeur unique ?

E.C. Tout simplement parce que l’assurance maladie ne peut s’engager à la place des complémentaires. L’engagement des deux financeurs est essentiel pour les médecins. C’est le seul système qui permette un paiement garanti sans leur faire supporter les conséquences d’éventuels dysfonctionnements. Il ne s’agit pas d’une question de territoire mais d’une réalité aujourd’hui incontournable : le cofinancement des dépenses de santé.

Propos recueillis par Caroline Laires-Tavares, caroline.laires-tavares@legeneraliste.fr

Source : Le Généraliste: 2709