La droite progresse dans les intentions de vote

Sur la vague bleue

Publié le 05/06/2007
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UN MAGICIEN. IL FAIT RÊVER. Il a subjugué la population. Il l'a mise sous hypnose : ce sont là quelques jugements qu'on entend, comme si Nicolas Sarkozy était arrivé au pouvoir d'un coup de baguette magique. On nous permettra d'affirmer ici que ces jugements, proférés dans les meilleures émissions, correspondent au degré zéro de l'analyse politique.

M. Sarkozy a franchi des obstacles considérables ; le plus élevé était représenté par l'aversion qu'il inspirait à une large fraction de la population. Son charisme était en effet à double tranchant : il en séduisait beaucoup, il en indisposait presque autant. Il a été élu avec un écart assez large, mais il ne s'agissait pas d'un raz de marée. L'idée que sa popularité est irrésistible et que, s'il proposait d'entrer en guerre avec l'Australie, il serait suivi les yeux fermés, est absurde.

M.SARKOZY N'A PAS JETE DE SORT AUX FRANCAIS, LESQUELS NE SONT PAS PRIVES DE LEUR LIBRE ARBITRE

Oui aux premières décisions.

Si la popularité du nouveau président a augmenté entre la présidentielle et les législatives, c'est parce que ses premières décisions ont été approuvées : son gouvernement d'ouverture, la nomination de fortes personnalités non UMP à des postes clés, la nomination de Rachida Dati à la Justice (et non à l'immigration), le voyage qu'il a fait en Allemagne le jour même de son intronisation, son projet de traité européen simplifié que même le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, a fini par accepter, et son projet de loi sur la récidive, l'annonce de l'assouplissement de la carte scolaire, le démarrage rapide du dialogue avec les syndicats, la mise en chantier de la détaxation des heures supplémen- taires : toutes ces mesures, et on en passe, semblent avoir séduit l'électorat. Sinon, comment expliquer que les instituts de sondage constatent, à l'unanimité, une progression de l'UMP dans les intentions de vote et une Assemblée nationale où la droite disposerait d'au moins 400 sièges, estimation basse (contre 355 dans la dernière législature) ?

Le renforcement et la concentration des pouvoirs peuvent être critiqués, au nom de l'équilibre du pouvoir et du contre-pouvoir ; mais, d'une part, la gauche a bénéficié de situations comparables dans le passé ; d'autre part, elle dispose d'une majorité écrasante dans les régions et ne doit pas exagérer la détresse de ses militants ; enfin, il n'y a pas d'exemple, dans le système de la Ve République, qu'une force politique au pouvoir ne cherche pas à dominer l'ensemble du législatif et de l'exécutif. Car les institutions guident les hommes. Le scrutin majoritaire à deux tours renforce la majorité relative et la transforme en majorité absolue.

Qu'on ne nous dise pas que ce n'est pas exactement ce que souhaitent aujourd'hui quelque deux tiers des Français qui, comme ils l'ont fait en 1981 avec François Mitterrand, veulent donner sa chance à M. Sarkozy. Ils le veulent d'autant plus que, jusqu'à présent, il ne cesse de faire ce qu'il a promis ; il n'y a aucune surprise dans l'application de son programme, sauf que son gouvernement fait ce qu'il dit et dit ce qu'il fait. On peut contester le fond des mesures, on ne peut pas discuter la méthode : elle est honnête.

A qui la faute ?

Il est vrai que la « vague bleue » paraît inexorable et que, dans ces conditions, l'extraordinaire enthousiasme pour la politique de ces derniers mois a presque disparu ; d'autant que la gauche a le sentiment de livrer une bataille perdue d'avance. Mais à qui la faute ? Pourquoi n'y avait-il pas, au-delà de l'élection présidentielle, un projet socialiste d'opposition ? Pourquoi les socialistes, aujourd'hui, se contentent-ils de jeter l'opprobre sur les défections vers l'autre camp, d'annoncer au pays de grands malheurs liés à la gestion perverse de la droite : qui croira un seul instant que M. Sarkozy est en tous points la simple copie conforme de George Bush ?

Une fois encore, la campagne de la gauche, c'est l'anathème, bien qu'il ne lui ait pas réussi lors de la campagne de la présidentielle. Qu'elle ne dénonce pas, alors, la « vague bleue » : M. Sarkozy n'est pas Merlin l'enchanteur ; il n'a pas jeté un sort aux Français, lesquels ne sont pas privés de leur libre arbitre. La dénonciation de la « concentration des pouvoirs » représente déjà, pour la gauche, un immense aveu de faiblesse politique, car n'appartient-il pas à l'opposition de limiter les dégâts électoraux pendant les législatives ?

Non seulement Nicolas Sarkozy a su franchir des obstacles considérables, à commencer par les multiples pièges qui lui furent tendus dans son propre camp, mais il a conçu – depuis plusieurs années – un projet de gouvernement dense, global et puissant. L'ambition de Ségolène Royal, si on l'observe a posteriori, consistait à franchir les portes de l'Elysée, but ultime de sa campagne, et elle a failli réussir. Celle de Nicolas Sarkozy consistait à être élu, certes, mais aussi à gouverner, et même à gouverner comme le fait un Premier ministre. Cela se voit, cela se sent, et la population a compris la dynamique de la gouvernance sarkozyste. Il n'y a pas d'explication mystique ou occulte à ce qui va sans doute se passer les 10 et 17 juin. Les Français n'étaient pas sûrs de vouloir Sarkozy. En revanche, ils veulent maintenant qu'il applique son programme.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8179