Les images en témoignent, le camp de réfugiés de Jénine a été dévasté par l'armée israélienne. Des immeubles entiers ont été rasés, l'infrastructure administrative de l'Autorité palestinienne a été détruite. En outre l'armée israélienne a pris tout son temps avant d'autoriser la Croix-Rouge internationale à visiter le camp ravagé.
La presse mondiale exige d'Ariel Sharon qu'il fasse toute la lumière sur le nombre de victimes et l'ampleur des dégâts. Lundi encore, il s'opposait à la venue d'une commission d'enquête de l'ONU, dont il contestait la composition. Et il est vrai qu'un manque de transparence ne peut qu'accroître les soupçons qui pèsent sur Tsahal et sur le gouvernement israélien.
Il demeure que, pendant les combats, l'Union européenne, qui ignorait tout de ce qui se passait à Jénine, a dénoncé d'emblée les « massacres » et la « tuerie ». Arrivé sur place, et seulement en constatant l'étendue des dommages, l'envoyé spécial de l'ONU, le Norvégien Terje Roed-Larsen, a aussitôt déclaré« : « C'est une horreur qui dépasse l'entendement ». Un porte-parole de Tsahal a parlé de 500 morts palestiniens, nombre immédiatement adopté par l'Autorité palestinienne, mais la Croix-Rouge n'a dénombré, à ce jour, qu'une cinquantaine de cadavres, pendant que l'armée israélienne révisait sa propre évaluation.
Les journaux ont décrit abondamment les dégâts et publié de nombreux témoignages, tous palestiniens. Ils ont aussi fait parler des soldats israéliens qui, tous, ont nié qu'ils se fussent livrés à des exactions ou à des atrocités. Leurs instructions étaient d'épargner les civils dans la mesure du possible, ont-ils affirmé.
Les Palestiniens ont fait courir plusieurs rumeurs invérifiables, par exemple que l'armée israélienne avait évacué les corps des victimes pour les enterrer ailleurs ou que les soldats israéliens se servaient des civils comme d'un paravent avant de pénétrer dans les maisons.
Treize soldats israéliens sont morts dans un bâtiment qui avait été piégé par des combattants palestiniens. La plupart des bâtiments du centre de Jénine étaient piégés. Les Israéliens les ont donc détruits au canon ou au lance-roquettes. Ce qui peut expliquer, au moins en partie, les immenses dégâts et « l'horreur » ressentie par M. Roed-Larsen, lequel, bien qu'il soit perçu comme pro-palestinien par le gouvernement israélien, a reçu un prix de 100 000 dollars de la fondation Shimon Peres pour la paix, au titre de son action personnelle dans l'élaboration des accords d'Oslo. Le gouvernement norvégien a décelé un conflit d'intérêts entre ce prix et les fonctions de M. Roed-Larsen, qui pourrait être poursuivi par la justice de son pays.
L'organisation américaine Human Rights Watch, qui s'est montrée extrêmement sévère à l'égard d'Israël au début de l'offensive contre les territoires, a annoncé qu'il n'y avait, à Jénine, pas plus de cinquante ou soixante morts. Elle n'en conclut pas moins que la convention de Genève n'a pas été respectée. Amnesty International réclame aussi une enquête internationale et estime, d'ores et déjà, que la convention de Genève a été violée. Elle évoque des « crimes de guerre ».
Les organisations humanitaires s'insurgent contre la fouille des ambulances palestiniennes par les soldats israéliens. Au début de l'offensive, les Palestiniens se sont servis d'ambulances pour transporter des combattants, leurs munitions et des explosifs. Au total, Tsahal a perdu une trentaine d'hommes au cours de son offensive.
Ariel Sharon, en détruisant l'infrastructure de l'Autorité palestinienne, a voulu réduire encore un peu plus sa représentativité. Yasser Arafat continue à parler de « crimes de guerre », de « massacre » et « de crimes contre l'humanité ». Tôt ou tard, Israël sera forcé d'accepter l'arrivée de la commission d'enquête de l'ONU. Il a quelques raisons de se méfier d'elle puisque les Nations unies sont historiquement défavorables à Israël et favorables aux Palestiniens et que la conférence mondiale de Durban, en Afrique du Sud, sur le racisme a abouti à un acte d'accusation contre Israël, dénoncé comme un Etat « raciste ».
Pour Jénine, l'acte d'accusation a été écrit avant l'enquête.
Il y a une dizaine de jours, le Premier ministre néerlandais a démissionné à la suite de la publication d'un rapport de son gouvernement sur le massacre de Srebrenica, en 1995, dans l'ex-Yougoslavie. A Srebrenica, les Serbes ont exécuté 7 5000 musulmans, après avoir avoir pactisé avec l'unité hollandaise de l'ONU chargée de les protéger. Pas 50 ou 500, mais 7 500. Pas tués dans la fureur des combats, mais froidement exécutés. On a retrouvé des charniers. Ce crime contre l'humanité n'a donné lieu à aucune manifestation dans les pays musulmans, pas plus que les massacres de civils en Tchétchénie ne soulèvent la moindre émotion, pas plus que n'en soulève la mort, en Inde, de 2 000 musulmans depuis le début de l'année, dans des combats religieux avec les hindouistes. Pour le crime contre l'humanité commis à Srebrenica, il a fallu des années avant que ne commence et ne s'achève l'enquête internationale et que ne soient rédigés les rapports établissant les faits.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature