Classique
D écidément, « Tristan » a la cote cet été. De nouvelles productions en ont été programmées à Vienne, Francfort, Meiningen et maintenant à Glyndebourne sous la direction du metteur en scène allemand Nikolaus Lehnhoff, artisan du cycle Janácek qui a triomphé sur cette même scène dans les années quatre-vingt-dix et fut à ses débuts un des assistants de Wieland Wagner pour son fameux « Tristan », en 1962, à Bayreuth.
Jamais Wagner n'avait été joué, hormis quelques extraits symphoniques, dans ce festival anglais bien que cela eut toujours été le rêve de son fondateur John Christie et plus tardivement un projet plusieurs fois remis. Plus tard cet été, Johann Strauss II partagera avec Wagner, dans un répertoire plus léger, le privilège de faire ses débuts dans les verdoyantes collines du Sussex. Cependant pour un coup d'essai, ce « Tristan » est un coup de maître ! Mise en scène poignante, distribution sans faute ne comprenant que des débutants dans leurs rôles respectifs et révélation d'une grande Isolde, la Suédoise Nina Stemme, direction musicale passionnante de Jir[146] Belohlávek, à la tête d'un London Philharmonic Orchestra superlatif de timbres et de texture, lui aussi dirigeant l'uvre pour la première fois, ce qui confirme après la même expérience dans « la Bohème » (voir « le Quotidien » du 30 juin dernier) que Glyndebourne a raison de penser qu'en matière d'opéra la routine est l'ennemi du mieux. Probablement l'uvre-d'art totale telle que Wagner l'avait rêvée. Comme décor unique, Roland Aeschlimann a créé un dispositif frontal elliptique figurant la coque d'un navire qui, à la manière d'un il d'appareil photographique, permet de concentrer l'attention sur le cur de l'action, faire de « Tristan » un opéra de chambre, grâce aussi à des éclairages prodigieux projetant les protagonistes dans des climats propices à toutes les phases de l'évolution du drame.
La direction d'acteur très précise de Lehnhoff qui tend à humaniser les personnages, les extraire du mythe, a d'autant plus d'impact que tous les chanteurs ont le physique de leur rôle.
Nina Stemme, qui reprend le flambeau des grandes Isoldes scandinaves que furent Thoborg, Flagstad, Nilsson, en possède les moyens vocaux considérables, une diction admirable, un respect scrupuleux des notes et, de surcroît, le caractère terriblement véhément du personnage. Son interprétation du nocturne du second acte restera, en dépit de la grande coupure faite, un moment inoubliable. Doté lui aussi d'une voix qui lui permet d'être à la hauteur sans ne jamais forcer, Robert Gambill s'est montré un partenaire idéal et son jeu scénique constamment tendu dans le redoutable monologue du troisième acte signe un véritable tempérament d'acteur. Bo Skovus, remarquable interprète de Kurvenal, Yvonne Wiedstruck, Brangäne assez inégale, et le Roi Marke très humain de Peter Rose complétaient cette magnifique distribution.
Sellars et Rattle
« Idomeneo », de Mozart, est au contraire un opéra de tradition à Glyndebourne qui fut une des premières scènes à le réhabiliter dès 1951 avec des noms comme Richard Lewis, Sena Jurinac, Leopold Simoneau. Grümmer, Janowitz et Pavarotti firent des apparitions dans cette fameuse production de Carl Ebert qui resta à l'affiche jusqu'en 1964.
Pour la quatrième production de l'uvre on avait fait appel à deux habitués du lieu, le metteur en scène Peter Sellars, et Simon Rattle, actuel chef des Berliner Philharmoniker. On peut résumer en une phrase le travail de Peter Sellars et de son équipe en déplorant un mélange de styles rabâché où hardes et treillis n'apportent plus rien d'excitant sur scène mais en louant une direction d'acteurs qui met les personnages vraiment à nu et les montrent dans leur vérité dramatique.
À la tête de l'Orchestre de l'âge des Lumières, Simon Rattle a donné une lecture passionnante de cette partition qu'il avait choisie, au risque de déséquilibrer la soirée - ce qui n'a pas manqué, la seconde partie étant beaucoup trop longue - de jouer dans la version de la création munichoise de 1781 sans coupure et terminée par la magnifique musique de ballet qui est généralement sacrifiée.
On ne peut rêver aujourd'hui plus belle distribution que celle réunie avec l'Idamante débordant de sincérité du mezzo-soprano Magdalena Kozená dont c'étaient les débuts au Royaume-Uni, l'Ilia poignante de Christiane Oelze, l'Elettra véhémente de Anne Schwanewilms. Philip Langridge qui est titulaire du rôle-titre sur cette scène depuis 1983 y est toujours aussi déchirant sinon à la hauteur de sa difficulté technique. Le chur si important dans cet ouvrage était extrêmement bien tenu par le Glyndebourne Chorus. On a connu Mark Morris plus inspiré que dans l'embryon de chorégraphie qui tombait comme un cheveu sur la soupe après le merveilleux troisième acte déjà passablement longuet. Sellars reprendra en août sa production de 1996 de « Theodora » de Haendel qui alternera avec « Die Fledermaus », curieuse intrusion d'une opérette viennoise dans un jardin anglais !
Glyndebourne Festival Opera (00.44.1273.813813). « Idomeneo » de Mozart jusqu'au 26 juillet. Prochains spectacles : « les Noces de Figaro » de Mozart jusqu'au 24 août, « la Chauve-Souris » de Johann Strauss II du 27 juillet au 30 août, « Theodora » de Haendel du 10 au 31 août. Site Internet : www.glyndebourne.com.
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