LES SIFFLETS contre « la Marseillaise » sont apparus il y a quelques années, en même temps que le cri : « Vive ben Laden ! ». Jacques Chirac a eu l'occasion de faire une belle colère à ce sujet et Nicolas Sarkozy n'est pas en reste qui convoque le président de la Fédération de football à l'Élysée, comme si ce personnage était en mesure de foudroyer les siffleurs. François Fillon estime que l'on aurait dû arrêter le match. Il a raison dans l'absolu, sauf que, mardi soir, une telle mesure aurait été très mal vécue par les Tunisiens venus affronter les Français. À un incident désormais classique (hélas !) auraient succédé un incident diplomatique et une immense déception. Ministre des Sports, Roselyne Bachelot a néanmoins confirmé que, à chaque incartade, le match serait arrêté.
Une logique cruellement absente.
En réalité, les sifflets de mardi procèdent plus des comportements inciviques des spectateurs que de la bataille politique habituelle : il existe une violence inhérente au football, parfois associée, certes, à la forme la plus dangereuse et la plus bête du nationalisme, contraire à l'esprit du sport. Un peu comme ces imbéciles qui ont incendié des voitures à Montfermeil et empêché ainsi le tournage d'un film à gros budget de Luc Besson, ce qui a consterné les braves habitants du département. Ne cherchons pas la logique quand elle est cruellement absente.
Le Premier ministre n'en a pas moins soulevé un point intéressant : qu'est-ce qui est le plus important de la pérennité du football ou de la défense des valeurs républicaines ? La société a répondu pour lui : elle préfère le foot. Voilà le hic : les défenseurs de l'hymne national ne seraient, pour les passionnés de sport, que des formalistes d'un autre âge, ceux-là même qui, naguère, accablaient Serge Gainsbourg pour sa parodie de « la Marseillaise ».
On peut donc craindre que de tels incidents ne se reproduisent, que l'on ne trouvera pas de solution au problème et que, en dépit de l'apparente sévérité du gardien de la Constitution, ils finissent par ne plus indigner personne.
Et les siffleurs ne manqueront pas d'invoquer leur principale excuse : ils renient une société dont ils estiment qu'elle ne leur accorde que la portion congrue de droits individuels et de bienfaits matériels. Ils se présentent comme les victimes d'un système que ne défendent que ceux qui ont la plus grosse part du gâteau. Ils disent même que c'est à eux de s'indigner.
C'est ce que pourrait dire Olivier Besancenot pour leur défense, lui qui se présente comme le pourfendeur numéro un du système et se plaint aujourd'hui, à bon droit, d'en pâtir dans une affaire qui révèle, malheureusement, ce qu'il y a de secrètement nauséabond dans notre bonne République : le chef de la LCR a été filé, littéralement traqué par des particuliers, mais aussi par des policiers qui ont mis leur métier au service d'une officine et ont oeuvré dans une illégalité totale.
Imperméable à la corruption.
Il s'agissait sans doute de déstabiliser M. Besancenot, en trouvant dans son placard quelque cadavre bien improbable, de manière à le faire taire au sujet du Taser, sorte d'arme « humanitaire » qui paralyse sans tuer et dont on équipe nos services d'ordre. Malheureusement, le Taser a beaucoup tué aux États-Unis, et M. Besancenot ne se prive pas de le dire. Que l'on tente de le discréditer pour mieux vendre cette arme relève de la pure bêtise : d'abord parce que M. Besancenot est sans doute le plus transparent de nos hommes politiques, le plus imperméable à la corruption (l'intégrité est son fonds de commerce) ; ensuite parce que le montage compliqué de la filature et son objet lointain, probablement inaccessible, atteignent des sommets de ridicule.
On ne sait d'ailleurs pas ce qui domine le plus, dans le projet Taser, de la délinquance ou de l'infantilisme, de même que, dans le comportement des supporters, l'idiotie pure l'emporte sur la protestation politique. De sorte que l'on hésite à ajouter à ces sujets d'indignation deux affaires politiques, comme le scrutin municipal à Perpignan, où des assesseurs croyaient changer le destin de leur candidat en jetant dans les urnes de faux votes sortis de leur chaussette. C'est sûrement illégal, mais c'est surtout du délire ; ou encore, le vote extraordinairement logique des députés socialistes qui, après avoir affirmé que le plan financier du gouvernement était le bon, ont jugé utile de s'abstenir. C'est même Pierre Moscovici, parfaitement convaincu que le plan devait être adopté, qui a lancé la charge contre le pouvoir dans un discours magnifique, mais absurde. Dès lors, comment ne pas reconnaître, comme Manuel Valls, éternel empêcheur de tourner en rond du PS, que, décidément, la gauche manque d'un chef doté d'une vision ? Faut-il s'en indigner ? Faut-il en rire ? Faut-il s'en réjouir ? M. Fillon, qui n'est pas innocent, car il avait réclamé à tue-tête et à plusieurs reprises l'union sacrée autour du plan financier, et délibérément plongé dans l'embarras les élus de gauche, pas disposés pour un sou à apporter de l'eau au moulin de la majorité, aura donc contribué un peu plus à affaiblir la gauche aux yeux de l'opinion. Si la droite s'était tue, le PS aurait peut-être voté pour le plan. Il demeure que les socialistes ont manqué de courage politique et se sont laissé enfermer, une fois encore, dans un de ces dilemmes qu'ils savent si bien créer de toutes pièces. L'honneur est sauf : pas d'union sacrée, la gauche reste à gauche, pure, splendide. Et impuissante.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature