Comment expliquer la mort par suicide de 12 personnes ce week-end de Pentecôte sur les rails de la SNCF ? Le chiffre est « exceptionnel » souligne l’entreprise ferroviaire, qui compte environ un suicide par jour annuellement. Reflet de la crise, protestation, prise à témoin de la société, revendication ... Les psychiatres alertent sur l’augmentation de la souffrance psychique de nos jours.
« Ces suicides sont en partie le reflet de la situation de crise, avec les menaces sur l’emploi, la pauvreté, le surendettement et un nombre croissant de personnes ayant du mal à faire face aux réalités de la vie », analyse le Pr Michel Debout, chef du service de médecine légale du CHU de Saint-Étienne.
Le médecin repère aussi dans ces gestes « quelque chose de l’ordre d’une protestation, pas forcément consciente, une sorte de prise à témoin de la société ». « C’est la même problématique quand il y a une immolation, on prend à témoin toute la société », insiste-t-il.
« Les personnes qui veulent socialiser leur suicide dans des morts violentes sont de plus en plus nombreuses », souligne, dans le Figaro, le Pr Michel Botbol, secrétaire général de l’association des psychiatres français. « Ce qui est très paradoxal puisque se tuer, c’est refuser le monde, c’est l’acte le plus anti-social qui soit », fait-il remarquer.
Mais pour lui, la comparaison avec l’immolation est à nuancer. « Il n’y a pas dans le suicide par le train le côté protestataire, revendicatif ou altruiste de l’immolation par le feu mais la même violence et le même caractère de destruction absolue, en prenant les autres à témoin ».
L’urgence d’un Observatoire des suicides
Quelque 12 000 décès par suicide sont comptabilisés chaque année en France, classée par le Haut conseil de la santé publique dans le groupe des États d’Europe de l’Ouest « à forte mortalité par suicide ». Mais aucun outil d’observation existe à ce jour, qui puisse, par exemple, établir des rapprochements entre suicide, chômage, surendettement, voire météo, à des fins de prévention. « On ne sait pas aujourd’hui combien de ceux qui meurent de suicides étaient au chômage. C’est un des éléments dont on aurait besoin » pour développer la prévention, estime le Pr Debout. « J’ai annoncé que la crise aurait provoqué 750 morts de plus par suicide par an... Mais c’est une estimation depuis le début de la crise en 2008 qu’on ne peut vérifier faute d’un outil véritable de compréhension du suicide », conclut-il.
Avec Jean-Claude Delgènes, directeur du cabinet Technologia, le Pr Debout fait partie des signataires (et fondateurs) de « l’appel des 44 » pour la création d’un observatoire des suicides, indépendant et pluridisiciplinaire.
Une idée qui semble avoir trouvé écho auprès des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen qui a présenté une proposition de résolution à ce sujet la semaine passée.
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