Alors que la situation économique de la France continue d’inquiéter, plusieurs spécialistes ont attiré l’attention sur les suicides liés à la crise. En France, « en trois ans, avec 648 500 chômeurs de plus, on estime à 10 780 le nombre de suicidants supplémentaires d’où 750 morts de plus », a alerté le Pr Michel Debout (chef du service de Médecine légale au CHU de Saint-Etienne et ancien président de l'association France prévention suicide), à l’occasion de la Journée mondiale de prévention du suicide.
Ces chiffres soulignent le lien étroit qui existe entre taux de chômage et taux de suicide. En Italie et en Grèce, une augmentation du nombre de suicides concomitante à celui du nombre de chômeurs a pu être objectivée. Une étude du BMJ parue cet été confirme le phénomène. Dans ce travail conduit au royaume uni, chaque augmentation de 10 % du nombre de chômeurs est associée à une augmentation de 1,4 % des suicides masculins. Soit au total, plus de 1 000 suicides excédentaires enregistrés outre-Manche entre 2008 et 2010.
Une période de vulnérabilité
En France, les données restent plus parcellaires faute de recueil épidémiologique précis sur le sujet (lire encadré). Pour autant, le Pr Debout appelle à plus de vigilance devant tout patient au chômage ou en difficultés professionnelles. Ces situations doivent désormais être considérées comme des périodes de vulnérabilité au même titre qu’un deuil ou qu’une rupture sentimentale estime ce spécialiste qui invite à « prendre l’habitude de faire parler régulièrement son patient sur ce qu’il vit sur le plan professionnel ».
Un avis que partage le Pr Jean Louis Terra (CHU le Vinatier, Lyon) qui exhorte « à bien explorer la sphère du travail ». En cas en licenciement, ce spécialiste de la prévention du suicide conseille même de « ne pas hésiter à demander clairement au patient quelle a été sa pire pensée et quel a été le pire geste qu’il ait envisagé lorsqu’on lui a annoncé son renvoi ».
Pour le psychiatre lyonnais, s’il n’existe pas de signes précurseurs spécifiques de ces « suicides de crises » qui sont le plus souvent multifactoriels, certains contextes peuvent être considérés comme aggravant et doivent inciter à la vigilance. « Il faut notamment explorer les conséquences du licenciement et s’inquiéter d’un éventuel effet domino (difficultés financières, perte du logement, etc.) ». L’absence de projet réaliste pour l’avenir peut aussi être considérée comme un facteur péjoratif. Enfin « il faut aussi distinguer licenciements collectifs et licenciements individuels », précise le Pr Terra, ces derniers ayant généralement un moins bon « pronostic » faute de solidarité sociale.
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