CELA NE FAIT AUCUN DOUTE : le président George W. Bush a perdu au moins deux jours avant d'ordonner l'envoi de secours massifs dans les zones sinistrées, après le passage du cyclone Katrina. Cette inertie a plusieurs raisons : M. Bush n'est pas vraiment le républicain plein de compassion qu'il prétend être, pas plus qu'il n'est le sociologue averti du Sud profond, pas plus qu'il n'ait jamais brillé par sa capacité à anticiper les conséquences politiques d'un phénomène climatique.
Il y a assez de choses à dire sur un président capable de dépenser plus de cinq milliards de dollars par mois dans une guerre dont personne ne voit la fin, mais qui n'a pas su aider ceux qui souffrent, pour ne pas en rajouter : entre Robert Kennedy Jr qui accuse le gouverneur du Mississipi d'avoir milité contre le protocole de Kyoto, donc d'être le responsable direct du cyclone, et les illuminés de la droite chrétienne qui affirment que Dieu a envoyé Katrina en Louisiane pour y détruire les cinq cliniques spécialisées dans l'avortement de La Nouvelle-Orléans, on voit que, à un événement que tous les météorologues avaient prévu, on trouve des raisons totalement irrationnelles.
Une aide de 50 milliards de dollars.
M. Bush est critiqué par ses concitoyens (sa cote de popularité est tombée à 38 %) parce qu'il n'a pas eu le simple réflexe de voler au secours des sinistrés dans la détresse. Il s'est rattrapé depuis, en envoyant sur place 60 000 hommes de troupes, des centaines d'hélicoptères, plusieurs navires de guerre et en faisant voter une aide exceptionnelle de 50 milliards de dollars.
Le président des Etats-Unis n'est pas le seul repsonsable de l'étendue du désastre. Il l'est dans la mesure où il a consacré le plus gros de son effort budgétaire à la lutte contre le terrorisme, au détriment des catastrophes naturelles. Faut-il le lui reprocher ? Les désastres climatiques n'enlèvement rien à la gravité de la menace islamiste.
En revanche, tout le monde, y compris le maire, qui n'arrête pas de se plaindre, savait que La Nouvelle-Orléans était dans une cuvette et qu'elle serait dévastée par un ouragan de force 5 (sur une échelle de 1 à 5). Des crédits fédéraux ont été votés chaque année pour renforcer les digues qui protègent la ville des eaux du lac Pontchartrain et celles du Mississipi entre lesquelles la cité est enserrée. Manifestement, ils étaient insuffisants. La corruption qui règne dans l'administration de la ville, l'insécurité, le laisser-aller, l'affairisme ont eu raison des avertissements des scientifiques et des experts. On peut dire que tous les élus de La Nouvelle-Orléans sont responsables du désastre.
Que l'Amérique réalise tout à coup qu'elle n'est pas à l'abri des ravages provoqués par le climat (encore que la répétition des catastrophes naturelles, l'une plus sauvage que l'autre, aurait dû l'y préparer) ; qu'elle découvre la misère d'une partie des habitants de la ville ; que les structures administratives, police, assistance sociale, secours d'urgence, se soient effondrées en moins de deux jours, tout cela est vrai. Mais dans une région habituée aux tornades, cyclones et autres ouragans, on n'en avait jamais vu pareille violence atmosphérique. En somme, il n'est pas sensé de faire endosser aux élus la responsabilité d'une catastrophe. Celle-ci était inévitable.
APOCALYPSE NOW ? ON SE CALME
Le fameux « déclin » de l'Amérique.
En outre, dire qu'on a vu, dans la cité inondée des images pires qu'à Haïti ou à Aceh, c'est sombrer dans l'absurde. La zone commence à être asséchée et les morts se comptent en centaines, pas en milliers, et encore moins en dizaines de milliers. L'anarchie créée par les pillages et les agressions a été certes le résultat de la démission de bon nombre de policiers ; mais beaucoup d'agents de police ont encouragé les rescapés qui avaient faim à se servir dans les supermarchés. Même en Louisiane, nous ne sommes pas dans le tiers-monde : non seulement le nombre des victimes sera inférieur à ce qu'en a dit la gouverneure Kathleen Blanco (tout le monde a parlé trop vite dans cette affaire), mais vous verrez à quelle vitesse la cité sera reconstruite.
Et le débat n'est pas fini : le mea culpa des commentateurs américains a été suivi par la vision apocalyptique des éditorialistes français : Katrina, c'est la fin de Bush et le déclin de l'Amérique. Sauf que M. Bush a été réélu en novembre 2004 et que son mandat court jusqu'au 20 janvier 2009. Il n'a même plus besoin de courtiser l'électorat, sauf pour maintenir le parti républicain au pouvoir. Quant au déclin américain, qui serait lié aux graves défaillances de l'Etat telles que Katrina les a révélées, c'est une sorte d'utopie qui enchante les rêves des détracteurs professionnels des Etats-Unis. Non seulement s'il y a déclin, il nous semble plus prononcé en Europe qu'outre-Atlantique (on nous rebat les oreilles avec le cumul des déficits américains : ils ne sont pas autre chose que le ballon d'oxygène qui fait respirer l'Europe et stimule les croissances chinoise et indienne) ; mais que se passerait-il si ce déclin était confirmé ? Nous, Européens, n'aurions plus que nos yeux pour pleurer et la croissance de la Chine, promise à un fabuleux destin, s'arrêterait net.
Il est remarquable que certains de nos meilleurs experts, démographes, historiens soient incapables de faire la part entre les problèmes d'une administration qui est déjà très essoufflée et l'histoire même d'une nation qui aurait perdu son statut d'hyperpuissance parce qu'un ouragan lui a coûté cent milliards.
Franchement, tout cela n'est pas sérieux, pas plus d'ailleurs que la description pessimiste de l'Amérique actuelle. Certes, les inégalités se sont accrues avec des réductions d'impôt qui n'ont profité qu'aux riches, mais, rapporté à l'histoire des Etats-Unis, ce phénomène n'est-il pas transitoire ? Si Paris était inondé, les riches ne s'enfuiraient-ils pas en voiture tandis que resterait en ville une forte concentration de SDF et pauvres gens qui n'ont pas de voiture ?
Apocalypse now ? On se calme.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature