Les thrillers de l'hiver

Sueurs froides au coin du feu

Publié le 12/01/2004
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HONNEUR aux célébrités et à Tom Clancy en particulier, qui revient avec un grand roman d'espionnage en deux volumes, « Red Rabbit » (1), qui, pour les inconditionnels, se situe entre « Jeux de guerre » et « le Cardinal du Kremlin », donc, chronologiquement, au début de la carrière de Jack Ryan, bien avant qu'il devienne président des Etats-Unis.
Le jeune analyste de la CIA accomplit ici sa première mission sur le terrain après qu'Andropov, le chef du KGB, a décidé d'éliminer le pape. Grain de sel dans les rouages du complot : un obscur fonctionnaire des transmissions a des scrupules et décide de monnayer sa défection en avertissant les services occidentaux. CIA et SIS britannique collaborent alors pour réussir l'exfiltration du transfuge, et c'est là que Jack Ryan donne libre cours à ses dons.
Tom Clancy s'éloigne ici du thriller militaro-technologique pur et dur pour renouer avec le récit d'espionnage classique, mêlant politique, suspense et psychologie. En outre, contrairement à ses romans récents, on retrouve dans ces deux tomes des personnages réels, Reagan, Brejnev, Margaret Thatcher et, évidemment, Jean-Paul II.

La CIA est également au cœur de « Cutout » (2), un roman de Francine Mathews, qui a « croqué » une héroïne à son image, puisqu'elle est, comme elle le fut elle-même durant quatre ans, analyste à la Central Intelligence Agency.
Dans le roman, Caroline Carmichael est envoyée en Europe centrale, de Berlin à Budapest, pour servir d'appât à son mari, un officier traitant officiellement mort et qui a resurgi parmi les membres d'un groupe terroriste responsable de l'enlèvement de la vice-présidente des Etats-Unis. A la tête de ce groupe terroriste se trouve un biologiste croate armé d'un virus mortel et ses rêves de purification ethnique. Sans compter la complicité d'un chancelier allemand d'extrême droite qui cherche à annexer l'Europe centrale. En fin de compte, c'est une sinistre mais fascinante histoire de manipulation au sein de la CIA que met au jour Caroline.

La course-poursuite continue dans « le Huitième Jour » (3), le dernier roman de John Case, l'auteur de « Genesis ».
Car si le point de départ est plutôt statique, la mort d'un homme qui s'est emmuré vivant chez lui, en Californie, tout s'accélère lorsqu'un jeune détective privé est chargé par un mystérieux avocat d'enquêter sur le défunt, soupçonné d'être à l'origine de la campagne de presse lancée en Italie contre un richissime homme d'affaires italo-turc. Sur fond d'imbroglio scientifique et religieux, le héros nous entraîne, de Rome à Sienne, d'Istanbul à Zurich, et jusqu'au Kurdistan, dans une intrigue aux multiples et déroutants rebondissements.

Une nouvelle star du thriller juridique est née, américaine, bien entendu, qui s'appelle Michael Fredrickson et a commis « le Dossier Cendrillon » (4).
Une Cendrillon étant, dans le jargon des avocats de Boston, une combine de flics des Stups qui consiste à obtenir un mandat sur la foi des renseignements d'un indic fiable. Si fiable, que son identité doit demeurer secrète. Si fiable... que, dans l'histoire, il n'existe pas. Qu'à cela ne tienne, lorsque la justice réclame cet informateur, il suffit de le fabriquer ! Mais le bouc émissaire, un restaurateur de Chinatown acoquiné avec la mafia chinoise, ne se laisse pas faire et, lorsqu'il sera finalement assassiné, son défenseur prendra la relève. Il n'aura plus qu'à en découdre avec les machinations policières, les pressions politiques, les menaces des triades, etc.

Spécialisé de longue date dans le thriller aéronautique, John J. Nance, lui-même ex-pilote et avocat, auteur de plusieurs best-sellers internationaux, revient à la charge avec une « Zone de turbulence » (5) passablement agitée - post-11 septembre oblige.
Rien n'allait très bien à bord du « Meridian Six », qui transportait trois cents passagers vers Le Cap via Londres : retards, incompétence, arrogance... Mais lorsque le Boeing fait un incompréhensible atterrissage sur un aéroport africain perdu, c'est la panique à bord, dans les tours de contrôle, et les services de sécurité et de renseignements américains qui suspectent l'appareil de contenir une cargaison mortelle, nucléaire ou biologique, destinée à être répandue au-dessus d'une ville occidentale. Un suspense d'autant plus troublant qu'il est plausible.

D'avion il est encore question dans « le Vol du frelon » (6), un nouveau roman d'espionnage de Ken Follett qui se situe en 1941, alors que le ciel appartient à Hitler : depuis peu, en effet, il semble que la Luftwaffe parvienne à détecter et à abattre les avions anglais.
Alors que les meilleurs agents britanniques s'emploient à éclaircir la situation, un jeune Danois de dix-huit ans découvre, sur une petite île, une installation allemande ultrasecrète qui abrite le premier radar jamais construit dans le monde. Il entreprend alors avec son amie de restaurer un petit biplan, un Frelon hors d'usage, et c'est poursuivi par l'ennemi, traqué par les collaborateurs danois, avec peu d'entraînement et encore moins de carburant, que le couple va tenter de décoller afin de transmettre ses informations aux autorités britanniques.

Avec le premier roman de Vincent Crouzet - que l'on nous dit consultant en géostratégie, expert des zones de crise et des mouvements de guérilla -, « la Tête du cobra » (7), nous touchons à l'histoire proche, puisque le point de départ en est la prise en otages par des combattantes tchétchènes des spectateurs d'un théâtre à Moscou.
Parmi les terroristes, une jeune prostituée beur recrutée par la Dgse pour infiltrer les milieux islamistes et dont les Russes avaient retrouvé le corps carbonisé en Tchétchénie. Celui qui fut son officier traitant n'a alors de cesse de la sauver afin qu'elle poursuive son infiltration des réseaux islamistes. Un immense jeu de dupes dans la grande tradition du genre, où Occidentaux, Russes et Islamistes s'affrontent à travers l'héroïne.

Retour, avec « la Compagnie des ombres » (8), à d'autres temps troublés, en 1944, à Lisbonne - où vit l'auteur, Robert Wilson -, où alliés et nazis se côtoient quotidiennement dans les mêmes lieux de vices et de plaisirs.
C'est là qu'une jeune Anglaise, mathématicienne, recrutée par les services secrets britanniques, et un jeune Allemand, physicien, recruté par les services d'espionnage nazis, tombent amoureux l'un de l'autre, faisant ainsi voler en éclats les protections inhérentes à leur métier d'espion et précipitant les drames. Leur histoire se conclura vingt-cinq ans plus tard, en pleine guerre froide, lorsque Andréa retrouve Karl à Berlin. Mais pas du même côté de la barrière.

(1) Editions Albin Michel, 428 et 412 p., 21,50 euros chaque volume.
(2) Editions Encre de Nuit, 454 p., 19,95 euros.
(3) Editions Albin Michel, 445 p., 21,90 euros.
(4) Editions Michel Lafon, 478 p., 21 euros.
(5) Editions Albin Michel, 460 p., 22,50 euros.
(6) Editions Robert Laffont, 446 p., 22 euros.
(7) Editions Albin Michel, 297 p., 19 euros.
(8) Editions Robert Laffont, 521 p., 23 euros.

MARTINE FRENEUIL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7454