LA MEDECINE EN 2003
L'année 2003, pour le spécialiste de l'aide médicale à la procréation (AMP) qu'est le Pr René Frydman (hôpital Antoine-Béclère, Clamart), a connu deux temps forts.
Le premier, encore du domaine de l'expérimentation animale, est dû à une équipe japonaise. Ces chercheurs ont réussi, chez la souris, à obtenir la différenciation en spermatozoïdes de cellules souches embryonnaires. « Il est trop tôt pour juger de la reproductibilité et de la fiabilité de ce travail. Et même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'AMP, il met l'accent sur les cellules souches, desquelles nous attendons beaucoup dans l'avenir. »
Grossesse après transfert de noyau
Seconde avancée notable, la première grossesse obtenue après transfert de noyau. La prouesse est, ici, d'origine chinoise. Un noyau fécondé a été transplanté dans un ovule énucléé, lequel a été ensuite implanté chez une femme. « En fait, la grossesse obtenue n'est pas arrivée à terme. Un avortement spontané s'est produit à la 24e semaine. Il faut préciser qu'il y avait eu une triple implantation. » Cette technique permettrait de résoudre les problèmes dus à certaines maladies mitochondriales. Elle permettrait aussi de protéger les noyaux des ovules et, donc, de sauvegarder le potentiel reproductif, de femmes devant subir une chimiothérapie ou une radiothérapie pour cancer. Si l'intérêt médical est certain, le Pr Frydman s'inquiète de la dérive d'une telle technique, qui pourrait déboucher sur le clonage reproductif, « si cette pratique n'est pas interdite à l'échelle mondiale, or l'ONU ne remplit pas sa mission, pour une fois où la réflexion précède l'action ».
La maternité Antoine-Béclère, a connu aussi, en juin 2003, la première naissance française d'un bébé issu d'une maturation ovocytaire in vitro. Cette technique s'adresse à des femmes porteuses d'ovaires polykystiques ou ayant une contre-indication à la stimulation ovarienne. Les ovocytes sont prélevés à un stade immature au sein de follicules de très petite taille, grâce à un matériel spécifique. Après culture dans un milieu riche en FSH et en hCG, ils sont inséminés par ICSI (injection intracytoplasmique de spermatozoïde), puis implantés. Cette première naissance préludait à d'autres.
L'ICSI, justement, dont le taux a considérablement augmenté préoccupe les spécialistes. « On peut s'interroger sur le bien-fondé médical et économique d'un pratique qui a représenté, cette année, 50 % des 45 000 tentatives d'AMP. » Il existe pourtant, rappelle le Pr Frydman, un examen indiquant l'ICSI : le test de migration-survie. Si moins de 500 000 spermatozoïdes sont recueillis, la FIV classique n'aboutit pas et il faut avoir recours à l'ICSI. Même si la norme peut, selon certaines équipes, être amenée à 1 000 000, la pratique doit être évaluée en France. « Il faudrait, dans chaque centre, connaître le nombre d'hommes dont le test justifie une ICSI et le rapporter à celui de procédures réalisées. Il faut aussi éclairer les incertitudes sur l'avenir des enfants ainsi conçus. »
L'autre prise de conscience récente des acteurs de l'AMP est la nécessaire réduction du nombre d'embryons transférés et donc de grossesses multiples. « Afin d'obtenir de bons résultats, la tendance serait de majorer le nombre d'embryons transférés. Selon les recommandations, il doit être inférieur à trois afin d'éviter les grossesses triples. »
Une autre difficulté à affronter à courte terme sera, selon le Pr Frydman, la gestion des demandes de diagnostic préimplantatoire. Deux centres le pratiquent actuellement (Antoine Béclère à Clamart et à Strasbourg), Montpellier devrait y avoir accès prochainement. « Dans notre centre, nous avons un délai d'attente dépassant un an. La situation est inextricable. Il faudrait soit renforcer les moyens disponibles, soit élargir le nombre de centres habilités. »
Enfin, un sujet devra être résolu celui de l'évaluation des pratiques. « Alors que l'AMP existe depuis vingt ans, il n'existe toujours pas de système d'évaluation indépendant et objectif. Les équipes s'évaluent elles-mêmes et les résultats de chaque centre ne sont pas publiés. Il faudra aboutir, en 2004, à plus de transparence, avec des résultats par âge, par indication... Les couples en attente d'AMP ont ce besoin d'information lorsqu'ils s'adressent à une équipe. »
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