Entretien avec le Pr Bruno Dubois, CHU Pitié-Salpétrière (Paris) et INSER unité 007
« La grande actualité thérapeutique pour la maladie d'Alzheimer est la forte tendance à l'élargissement des indications des anticholinestérasiques vers des formes tardives, avec des résultats intéressants dans les formes sévères, explique le Pr Bruno Dubois (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris). Des essais thérapeutiques sont également en cours sur des formes très débutantes. Les indications des anticholinestérasiques s'étendent aussi vers les démences vasculaires, avec des résultats intéressants de la galantamine (Reminyl, Janssen-Cilag), vers la démence à corps de Lewy, avec des résultats intéressants de la rivastigmine (Exelon, Novartis Pharma). » Toujours dans le champ de la maladie d'Alzheimer, un nouveau médicament d'action différente, la mémantine (Ebixa, Lundbeck), vient d'obtenir l'AMM. Cet antiglutamate, indiqué dans les formes modérément sévères à sévères, vient compléter l'arsenal thérapeutique des anticholinestérasiques (qui ont jusqu'alors l'indication des formes légères à modérées). Comme le souligne B. Dubois, « ce médicament, apparemment bien toléré, s'inscrit comme traitement symptomatique, améliorant notamment les performances cognitives dans les formes sévères, avec une stabilisation de l'évolution sur plusieurs mois qui semble très intéressante ».
Des pistes pour les statines dans la maladie d'Alzheimer et la SEP
Néanmoins, ces médicaments purement symptomatiques n'interviennent que sur un seul système de neurones, alors que la maladie d'Alzheimer intéresse plusieurs systèmes neuronaux. « D'où l'intérêt d'une action en amont, c'est-à-dire avant la dégénérescence spécifique d'une population de neurones, explique B. Dubois. C'est là où se situe le vaccin, plus précisément l'immunothérapie active, qui a fait l'objet d'une étude multicentrique réalisée chez trois cents patients, après les résultats particulièrement positifs observés sur des modèles murins (désagrégation totale des plaques amyloïdes). »
Néanmoins, la survenue d'une méningoencéphalite chez dix-sept patients après la deuxième injection a entraîné l'arrêt des injections. La question du développement possible du vaccin dans la maladie d'Alzheimer se pose donc actuellement, mais, pour le Pr Dubois, il semble que le vaccin n'ait pas dit son dernier mot. « Deux résultats très intéressants soulignent d'ores et déjà un avenir certain du vaccin, avec, d'une part, l'analyse des anticorps de l'immunsérum, qui montre que les anticorps sont bien dirigés contre les protéines pathogènes ; d'autre part, et c'est peut-être là le résultat le plus important, une fraction réduite du peptide amyloïde (la fraction 4-10) se révèle suffisante pour entraîner la réponse immunologique. Ce qui permettra probablement le recours à des petites doses de protéines, permettant de réduire les réactions inflammatoires. »
L'intérêt des statines (simvastatine, MSD-Chibret) a récemment été rapportée dans la maladie d'Alzheimer (en diminuant le risque relatif de la maladie), ainsi que dans la SEP (en réduisant le nombre de poussées). Néanmoins, observe le Pr Dubois, « la prudence est de mise, et des études bien conduites se révèlent nécessaires pour évaluer la validité de ces pistes par rapport au risque de la prescription prolongée des statines ».
En ce qui concerne la SEP, on peut souligner la mise en évidence récente de l'efficacité de l'interféron b1A en intramusculaire (Avonex, Biogen) et de l'interféron b1A en sous-cutané (Rebif, Serono) dès la première poussée. Très récemment, un résultat prometteur a été publié au sujet d'un anticorps dirigé contre une alpha-intégrine, le natalizumab (Antegren, Biogen), qui serait efficace sur la composante inflammatoire de la SEP.
Pas d'innovation au chapitre des migraines, mais un schéma thérapeutique clarifié, avec la différenciation du traitement de la crise, qui repose sur les AINS et surtout sur les triptans, qui s'imposent de plus en plus comme des médicaments très efficaces de la crise, et du traitement de fond, qui repose principalement sur les bêtabloquants en première intention.
L'essor des techniques de stimulation cérébrale
Les patients atteints de maladie de Parkinson ont bénéficié de l'essor des techniques de la stimulation des structures cérébrales profondes. Ces techniques visent à créer une inhibition fonctionnelle par stimulation des cibles neuronales impliquées dans les symptômes de la maladie. La cible qui s'impose actuellement étant le noyau sous-thalamique. L'intervention, effectuée par des équipes expertes, est actuellement bien maîtrisée et répond à des indications précises (maladie de Parkinson évoluée, chez des patients âgés de moins de 75 ans). La maîtrise et le succès remarquable de cette technique, notamment en termes de confort de vie des patients, conduisent actuellement à élargir ses indications vers le champ de la pathologie mentale (maladie des tics de Gilles de la Tourette, TOC). Cette approche psychochirurgicale est à rapprocher des résultats spectaculaires de la chirurgie dans l'épilepsie pharmacorésistante, notamment dans les épilepsies temporales, avec les lobectomies temporales bien réglées.
Une mobilisation autour des AVC à la phase aiguë
Les patients atteints d'un AVC en phase aiguë vont pouvoir bénéficier d'une réorganisation de l'accès aux soins grâce à la mise en place par le ministère de la Santé d'un plan de prise en charge coordonné.
En 1999, 4 % seulement des AVC étaient traités dans des unités neuro-vasculaires et 40 % en neurologie. Et pourtant, la prise en charge dans une unité neuro-vasculaire d'un patient à la phase aiguë d'un AVC a prouvé son efficacité puisqu'elle permet de réduire de 20 % le risque de décès ou de dépendance après l'AVC. L'amélioration de l'accès aux soins des patients atteints par un AVC et de leur prise en charge était donc devenue une urgence à laquelle le ministère a répondu récemment avec la mise en place d'un plan de prise en charge coordonné des AVC.
Pour permettre le développement d'unités neuro-vasculaires et l'organisation de toute une filière de prise en charge des AVC, depuis l'accident jusqu'au retour à domicile, un neurologue coordinateur national a été nommé par le ministère et des neurologues coordinateurs régionaux ont déjà été désignés par certaines agences régionales d'hospitalisation. Ces coordinateurs sont chargés de préparer et d'accompagner le projet médical de réorganisation des soins en matière d'AVC à la phase aiguë mais aussi de soins de suite et de réadaptation avec tout le versant médico-social. Les différents aspects de cette prise en charge (médicale, paramédicale et retour à domicile) ont également fait l'objet de recommandations récentes émanant de l'ANAES.
Autre nouveauté en France avec l'autorisation de fibrinolyser dans les trois heures les patients présentant un AVC ischémique, puisque la commission des communautés européennes a donné l'AMM à l'altéplase (la rt-PA) dans l'AVC ischémique de moins de 3 heures (ce qui était autorisé aux Etats-Unis depuis 1995). En l'absence de contre-indications, la rt-PA s'avère très efficace puisqu'il permet d'éviter un décès (ou dépendance) sur 7 patients traités, avec toutefois un risque d'hémorragie cérébrale important. C'est pourquoi elle ne peut être effectuée que dans les 3 heures suivant l'accident vasculaire et décidée par un médecin spécialisé en pathologie neuro-vasculaire.
C'est dans le cadre de la prévention qu'on peut parler d'innovation thérapeutique. Avec l'étude PROGRESS qui a montré l'intérêt d'un traitement anti hypertenseur préventif chez tout patient ayant eu un AVC, qu'il soit ou non hypertendu (étude menée avec un inhibiteur de l'enzyme de conversion associé ou non à un diurétique). Une autre étude HPS montre chez les patients à haut risque coronaire ayant déjà fait un AVC, qu'un traitement préventif par une statine même si le cholestérol est initialement normal, permet de diminuer de 25 % le risque de récidive d'événement vasculaire.
Dr M.A.
D'après un entretien avec le Dr France Woimant,
coordinateur régional AVC pour l'AHRHIF, service de neurologie du Pr Marie-Germaine Bousser,
Hôpital Lariboisière, Paris
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