LE THALIDOMIDE aurait la capacité de stopper rapidement les hémorragies intestinales sévères, récurrentes et réfractaires aux thérapies conventionnelles. C'est ce qu'indique une étude pilote allemande publiée dans la revue « Gut ». Selon Bauditz et coll., ce médicament aux effets tératogènes tristement célèbres pourrait constituer une nouvelle solution pour les malades souffrant de saignements gastro-intestinaux importants et résistant à tous les autres traitements disponibles.
Inhibition de l'angiogenèse.
Le thalidomide possède une activité anti-inflammatoire ; il a aussi la propriété d'inhiber l'angiogenèse en réprimant la synthèse du facteur de croissance endothéliale vasculaire (Vegf). Au cours d'une étude récente visant à tester l'efficacité du thalidomide sur la maladie de Crohn, il est apparu que ce médicament diminue rapidement la fréquence des saignements rectaux dont souffrent certains patients atteints par cette pathologie. Une augmentation de la production du Vegf étant associée à la maladie de Crohn, Bauditz et coll. ont fait l'hypothèse que l'effet du thalidomide sur le facteur de croissance pouvait être à l'origine d'un bénéfice thérapeutique important chez les patients souffrant d'hémorragies intestinales sévères.
Les chercheurs ont décidé de tester cette hypothèse sur six patients dont les saignements récurrents étaient réfractaires aux thérapies classiques. Trois d'entre eux étaient atteints par la maladie de Crohn. Les trois autres patients souffraient de saignements intestinaux sévères de nature mal définie. Chez l'un d'entre eux, une endoscopie a permis de diagnostiquer une angiodysplasie multiple touchant l'iléon et le jéjunum.
Les trois patients atteints par la maladie de Crohn ont quotidiennement reçu 300 mg de thalidomide pendant six à neuf mois. Cette dose est identique à celle utilisée dans l'étude qui a démontré l'existence d'un effet positif du thalidomide sur la maladie de Crohn. Les trois autres patients ont reçu une dose de thalidomide plus faible (100 mg par jour) pendant seulement quatre mois.
Arrêt des hémorragies en moins de deux semaines.
Dans les six cas examinés, le thalidomide a conduit à l'arrêt des hémorragies moins de deux semaines après le début du traitement.
Alors que ces patients avaient dû être transfusés à de nombreuses reprises dans l'année précédant l'étude (2,7 unités de sang par mois, en moyenne), aucune transfusion n'a été nécessaire pendant le traitement au thalidomide et pendant les vingt-huit mois suivants (durée du suivi des patients dans le cadre de l'étude). Deux patients ont recommencé à saigner après l'arrêt du traitement, mais les hémorragies se sont à nouveau arrêtées dès qu'ils ont recommencé à prendre du thalidomide.
Des épisodes de grande fatigue.
Le traitement est bien toléré, mais les six patients ont ressenti des épisodes de grande fatigue au cours du protocole. L'un d'entre eux a développé un neuropathie périphérique au bout de neuf mois de traitement. Cependant, ses symptômes neurologiques ont disparu très rapidement après qu'on a modifié la posologie de son traitement (100 mg de thalidomide par jour au lieu de 300 mg).
En mesurant la quantité de Vegf exprimée par les six patients avant, pendant et après le traitement, Bauditz et coll. ont observé que le thalidomide conduit à une nette diminution de la production du facteur de croissance, aussi bien chez les sujets atteints par la malade de Crohn que chez les trois autres malades. Cela indique que l'effet thérapeutique du médicament passerait par une inhibition de l'angiogenèse dépendante de Vegf.
Si l'ensemble de cette étude est favorable à l'existence d'un effet thérapeutique du thalidomide chez les malades souffrant d'hémorragies intestinales sévères et récurrentes, la dose optimale de thalidomide à utiliser reste à préciser.
J. Bauditz et coll., « Gut », vol. 53, pp. 609-612.
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