Traitement de substitution dans les pharmaco-dépendances majeures aux opiacés, Subutex n'est pas un stupéfiant. Sa prescription peut être faite par tout médecin assurant une prise en charge médico-psychosociale. Ce médicament, qui est un agoniste-antagoniste, a un effet plateau qui lui confère une certaine sécurité. La durée de prescription est de vingt-huit jours et la délivrance en pharmacie est fractionnée en périodes de sept jours, sauf mention écrite expresse du médecin « à délivrer en une fois ». La dispensation quotidienne est recommandée.
A la fin de l'année 2002, plus de 80 000 patients étaient traités en France par Subutex, avec une prédominance dans les zones frontalières ou à Paris. La politique du traitement de substitution constitue un progrès en termes de santé publique. Le premier avantage, c'est la décroissance du nombre des overdoses (près de 500/an en 1996 puis près de 70/an à partir de 2000). Les interpellations pour usage et revente d'héroïne ont également diminué. Le bénéfice individuel a été confirmé : les patients restaient dans le système de soins (68 % à deux ans - étude Spesub), et la posologie évoluait autour d'une moyenne de 8 mg/jour (études Spesub, Oppidum et Anisse). Une grande majorité de patients ont arrêté l'héroïne (77 % - étude Aides). La récente étude Anisse confirme l'évolution favorable et la réinsertion des patients (meilleure intégration dans le travail, logement stable, diminution de la délinquance et de la prostitution).
Enfin, des travaux se sont focalisés sur l'évolution de l'infection à VIH chez les patients. La prise en charge par un traitement de substitution semble avoir contribué à la lutte contre la maladie. Les séroconversions VIH ont diminué et selon les chiffres de l'OFTD (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), la prévalence de l'infection à VIH a diminué (18,7 % en 1995 et 15,4 en 1997). Toujours dans le cadre du sida, un travail réalisé à partir des données de la cohorte Manif 2000 montre que la prise en charge par Subutex facilite l'accès et l'observance des traitements antirétroviraux.
Un lien établi
Une étude Louis Harris récente , qui met en miroir les réponses des généralistes et celles de leurs patients, permet aujourd'hui d'évaluer les difficultés de chaque groupe. Cette étude a inclus 460 médecins, a analysé 2 547 questionnaires remplis par les médecins et 1 291 autoquestionnaires de patients envoyés directement par La Poste. Un des points clés de l'enquête contredit les idées reçues qui présentent trop souvent le patient toxicomane comme un patient opposant, peu favorable au traitement. En fait, 75 % des patients sont suivis par le même médecin depuis au moins deux ans. Ce qui montre que la prise en charge par un traitement de substitution a permis d'établir un lien médecin-malade et que ce lien perdure. L'enquête a également évalué l'importance des réseaux, et près d'une fois sur deux, on constate que le médecin et le pharmacien ont formé un réseau autour de leur patient.
La posologie moyenne était de 7,7 mg (prescription du médecin) et la consommation par le patient était de 7,8 mg. Toutefois, on observe des extrêmes (84 à 0,4 mg). La dépression reste difficile à évaluer mais il semble, d'après cette étude, qu'il soit nécessaire de traiter les troubles dépressifs sous-jacents et les comorbidités psychiatriques chez certains patients toxicomanes.
En ce qui concerne le mode de prise, il existe encore des patients qui ont des prises multiples quotidiennes. Ils ont un profil de toxicomanie plus prononcé (notamment des associations à la cocaïne plus fréquentes). Ils suscitent plus facilement le soupçon de mésusage chez leur médecin.
Enfin, en ce qui concerne l'injection de Subutex, cette étude a donné des précisions : 17 % des patients interrogés disent s'être injecté le médicament le dernier mois ; en revanche, ils sont 40 % à dire qu'il se sont injecté du Subutex au moins une fois dans leur vie. Le médecin généraliste joue un rôle essentiel dans cette maîtrise de l'injection, car un grand nombre de patients s'en dispensent après avoir été informés par le médecin sur la façon correcte de prendre du Subutex (administration sublinguale) et sur les risques qu'ils courent.
Enfin, les benzodiazépines constituent un énorme problème car environ 15 % des patients continuent à en consommer. Cela rend nécessaire un travail de réflexion plus poussé sur les comorbidités psychiatriques. Enfin, dans cette étude, 85 % des patients sont satisfaits et c'est avec leur généraliste que 84 % d'entre eux abordent les problèmes qui se présentent à eux, puis avec leur pharmacien.
* Séminaire de presse auquel participaient le Pr P.-J. Parquet (centre hospitalier de Lille, président de l'OFDT) et les Drs J.-P. Delouède (médecin psychiatre, responsable du centre de prise des toxicomanes, Bayonne), L. Cattan (médecin généraliste, président de l'Association nationale des généralistes pour la réflexion et l'étude de l'hépatite C) et O. Mariotte (Laboratoires Schering-Plough).
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