PAR LE Pr THIERRY THOMAS*
L'EVALUATION clinique d'un diagnostic lésionnel s'appuie sur une approche rationnelle comprenant interrogatoire, inspection, palpation, étude des amplitudes actives et passives, de la force globale de l'épaule et évaluation des tendons de la coiffe des rotateurs. Elle peut permettre, dans un grand nombre de cas, de proposer un diagnostic précis.
Les éléments recherchés à l'inspection sont en particulier une amyotrophie de la fosse du supra-épineux et de l'infra-épineux qui oriente vers une rupture tendineuse ancienne. Une tuméfaction antérieure de l'épaule peut traduire un épanchement de la bourse sous-acromio-deltoïdienne parfois associée aux tendinopathies de la coiffe des rotateurs. La rupture de la longue portion du biceps se traduit par une tuméfaction de la partie antérieure et inférieure du bras.
L'étude des amplitudes passives et actives est fondamentale. Elle permet de s'assurer de la liberté de l'articulation gléno-humérale et de l'absence de rétraction capsulaire. La détection d'une dissociation activo-passive orientant vers une rupture tendineuse transfixiante. L'examen des amplitudes passives est réalisé de manière globale en décubitus dorsal pour la rotation externe coude au corps fléchi à 90° (RE1) et l'élévation antérieure dans le plan de la scapula. La rotation interne est évaluée en position assise le dos de la main le long du rachis. L'examen des amplitudes actives est envisagé en cas de mobilité passive conservée. Une attention particulière est portée à l'impossibilité de porter la main à la bouche (RE2) sans élever le coude au dessus du plan scapulaire, signe dit « du clairon » très évocateur d'une atteinte étendue incluant le teres minor.
L'évaluation des différents composants de la coiffe des rotateurs se fait ensuite grâce à des manœuvres de force contre résistance : la manœuvre de Jobe pour le supra-épineux, un test douloureux étant en faveur d'une tendinopathie simple, et une faiblesse authentifiée, d'une rupture tendineuse ; la mesure de la force en RE1 et RE2 pour l'infra-épineux et le teres minor ; le Belly-press test pour le subscapulaire.
Les examens radiologiques de deuxième intention.
L'exploration radiographique standard de l'épaule comprend trois clichés de face en rotation neutre, interne et externe de l'extrémité supérieure de l'humérus. Ils sont complétés par une incidence de profil de coiffe. Cette exploration est le complément obligatoire de tout examen clinique.
Les radiographies permettent de détecter et DE caractériser une éventuelle calcification tendineuse. On recherche également une réduction de l'espace acromio-huméral très évocateur d'une rupture tendineuse lorsque la mesure est inférieure à 7 mm, des signes indirects de tendinopathies dégénératives tels que remaniements trochitériens ou enthésopathie acromio-coracoïdienne. La réalisation d'un cliché de face strict en dÉcubitus dorsal avec un rayon vertical perpendiculaire au plan de la table (incidence de Railhac) permet de sensibiliser la réduction de l'espace sous-acromial et de bien visualiser dans le même temps l'articulation acromio-claviculaire.
Les radiographies sont également nécessaires pour éliminer toute ostéo-arthropathie gléno-humérale inflammatoire ou dégénérative qui peut être révélée par le même tableau peu spécifique d'épaule douloureuse et enraidie.
L'échographie ne peut remplacer la radiographie standard et ne doit pas être envisagée de façon systématique dans l'exploration de première intention. Cet examen peut néanmoins être réalisé à ce stade, entre les mains d'un échographiste spécialisé, en complément de l'examen clinique. Elle peut en effet apporter des informations précises sur l'existence d'une rupture tendineuse transfixiante, voire partielle, sur la présence d'un épanchement intra-articulaire et/ou d'une bursite sous-acromiale associés, rarement asymptomatiques et donc importants dans l'approche thérapeutique.
L'imagerie de seconde intention de l'épaule douloureuse est envisagée en cas d'échec d'un traitement conservateur de première intention bien conduit après 2 OU 3 mois. Elle est proposée selon l'âge et le contexte socio-professionnel, dans une optique de réorientation diagnostique ou thérapeutique. Elle peut être proposée d'emblée chez un sujet de moins de 60 ans, notamment lorsque l'examen clinique est en faveur d'une rupture récente sur une épaule jusque-là saine. Elle apparaît déterminante dans l'optimisation de la démarche proposée au patient.
Le choix entre arthro-TDM, IRM et arthro-IRM dépend de l'expérience du radiologue et des diagnostics évoqués cliniquement. L'évaluation préchirurgicale d'une probable rupture transfixiante fait ainsi souvent appel à l'arthro-TDM, qui permet d'apprécier l'extension de la rupture, mais aussi la trophicité des muscles de la coiffe des rotateurs, paramètres très importants dans l'évaluation du pronostic chirurgical. L'IRM est indispensable pour rechercher les ruptures partielles n'intéressant pas la face profonde de la coiffe. Elle permet également d'apprécier la qualité musculaire de la coiffe.
Les otions thérapeutiques.
Tendinopathies calcifiantes
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens par voie orale et la réalisation d'infiltrations sous-acromiales sont au premier rang des traitements indiqués dans les lésions calcifiantes. La kinésithérapie paraît intéressante lorsque les amplitudes articulaires sont limitées. Il faut garder à l'esprit que l'histoire naturelle des calcifications tendineuses évolue vers la résorption et QUE seules 10 % persistent de façon prolongée, rebelles aux traitements médicaux.
Dans ces cas, l'étape thérapeutique suivante est la ponction-lavage-aspiration, voire les ondes de choc extracorporelles dont la place reste encore mal définie. L'arthroscopie apparaît comme traitement de dernière intention dans les tendinopathies calcifiantes de l'épaule à contours bien définis. La prise en charge des infiltrations calciques plus diffuses du tendon est à rapprocher de celle des lésions dégénératives des tendons de la coiffe des rotateurs.
Tendinopathies dégénératives non rompues.
Le traitement médical est de règle. Il associe AINS, antalgiques et si nécessaire infiltrations de dérivés cortisoniques. Elles sont effectuées de préférence de manière écho- ou radioguidées dans la bourse sous- acromio-deltoïdienne notamment lorsqu'il existe une bursite associée. Le travail rééducatif associant kinésithérapie et exercices d'automobilisation vise avant tout à récupérer des amplitudes articulaires complètes. En cas d'échec après 3 à 6 mois d'un traitement bien conduit, les investigations de deuxième intention aident à préciser le diagnostic lésionnel, notamment celui d'une rupture tendineuse partielle. Un geste palliatif d'acromioplastie sous arthroscopie peut être discuté, notamment lorsqu'il existe une face inférieure de l'acromion agressive pour la coiffe.
Tendinopathies dégénératives rompues.
Le principe d'un traitement médical de première intention comparable à celui des tendinopathies non rompues est accepté. Il peut être une simple étape préchirurgicale chez le sujet jeune ayant présenté une rupture traumatique afin de réaliser la réparation chirurgicale sur une épaule souple. Il peut suffire à rendre au patient plus âgé (schématiquement après 60 ans) une épaule avec un niveau algo-fonctionnel satisfaisant. Toutes les situations intermédiaires existent et la décision médico-chirurgicale doit prendre en compte de nombreux éléments tels que le délai d'évolution, l'étendue de la rupture, la dégénérescence graisseuse de la coiffe des rotateurs, l'atrophie musculaire ou l'arthropathie gléno-humérale secondaire. Leur apparition dans les suites de la rupture impose de prendre une décision dans un délai de 6 mois, en particulier si un geste de réparation tendineuse est envisagé. D'autres techniques de chirurgie palliative telles que la ténotomie du biceps peuvent apporter des résultats intéressants lorsque les symptômes persistent et que la rupture est irréparable. Il convient de souligner que la décision thérapeutique est aussi dépendante du contexte socioprofessionnel, de l'âge physiologique et de la motivation du patient et que le traitement médical permet des résultats souvent satisfaisants pour ces malades au moins à moyen terme.
* Service de rhumatologie, hôpital Bellevue, Saint-Etienne.
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