De notre correspondant
Installé depuis douze ans dans un immeuble situé en face de l'université des sciences humaines de Strasbourg, le Dr Baudouin Pfersdorff est confronté depuis un mois à un voisinage dont il se passerait bien : la Mutualité française d'Alsace vient d'ouvrir, sur son palier, un centre médical destiné principalement aux étudiants, ce qui risque de rendre son cabinet « totalement invisible depuis l'extérieur » et qui menace, selon lui, la poursuite de son activité.
« Mon associée et moi soignons beaucoup d'étudiants, qui peuvent nous joindre à toute heure, mais en dehors de ceux qui nous connaissent déjà, les nouveaux étudiants ne verront même plus notre porte », s'inquiète le médecin. Situé face à l'entrée principale de l'immeuble, le centre est en effet beaucoup plus visible que le cabinet libéral, et il faut passer devant lui pour arriver chez le Dr Pfersdorff, au bout du couloir. « Il suffit que notre clientèle baisse de 10 % pour que notre équilibre économique soit compromis, ce qui signifie que nous devrons partir », explique le Dr Pfersdorff. Il dénonce le « manque de déontologie » de la mutuelle, installée auparavant quelques rues plus loin. « Je sais que je n'ai pas les moyens de me battre seul contre une organisation aussi puissante, poursuit-il, maisj'ai décidé d'alerter mes confrères sur ce procédé ».
Interrogée par « le Quotidien », la Mutualité d'Alsace se dit « surprise » de la réaction du Dr Pfersdorff. Elle considère que sa structure, qui offre des consultations gynécologiques, dentaires et de médecine générale, est un « petit centre » qui ne menace pas le cabinet libéral, qui « existe depuis longtemps ». « Nous avons des relations tout à fait normales avec lui et le dialogue n'est pas rompu », affirme-t-elle. De plus, selon elle, l'article 90 du code de déontologie, qui interdit à un médecin de s'installer dans le même immeuble qu'un confrère sans son consentement, ne s'applique pas dans ce cas, car il ne concerne que la médecine libérale, alors que le centre est une structure de médecine salariée.
L'article 90 s'applique à tous les médecins, sauf dans le cas des services publics, mais la Mutualité n'en est pas un, rectifie le Dr Pierre Haehnel, secrétaire général du Conseil national de l'Ordre. Il estime que l'Ordre peut se saisir de l'affaire, dès que le conseil départemental le lui aura demandé. L'Ordre local est en train d'étudier le dossier.
Plusieurs autres médecins libéraux s'insurgent contre l'implantation du centre à cet endroit.
Pour le Dr Ludmilla Kalinkova, conseillère municipale chargée de l'Action sociale et de la Santé, le départ éventuel du Dr Pfersdorff aurait des répercussions sur la desserte médicale du secteur : « Il ne soigne pas que des étudiants et, s'il s'en va, les autres riverains perdront leur médecin », rappelle-t-elle, en ajoutant que, si la Mutuelle a le droit de créer des centres, elle ne doit pas pour autant bouleverser l'offre de soins du quartier. Elle souhaite, pour cette raison, que le conseil municipal se penche à son tour sur cette affaire.
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