De notre correspondante
à New York
Les neurones communiquent entre eux par leurs nombreux dendrites (petites arborisations cytoplasmiques) et leur axone unique (long prolongement cytoplasmique). Les dégâts neuronaux chez l'adulte, qu'ils soient causés par une lésion ou une maladie, comportent la perte des axones.
Les neurones du système nerveux central (SNC) adulte sont incapables de régénérer leur axone. Ils ont perdu cette capacité tôt pendant le développement. Bien que l'on ne sache pas bien pourquoi, on a supposé jusqu'ici que le phénomène est lié à un environnement fortement inhibiteur. En effet, les cellules gliales du SNC (astrocytes et oligodendrocytes) sécrètent des protéines qui inhibent la régénération des axones après lésion. En conséquence, les stratégies pour stimuler la régénération nerveuse dans le SNC se sont concentrées jusqu'ici sur l'altération de l'environnement (surmonter les signaux inhibiteurs).
Mais cela suffira-t-il pour promouvoir la régénération rapide des axones ? En effet, il reste une question essentielle : des changements acquis durant le développement ne limitent-ils pas aussi la capacité des neurones adultes à développer leur axone.
La rétine du rat, un modèle simple
Une équipe de chercheurs, dirigée par le Dr Jeffrey Goldberg (université de Stanford, Californie), répond maintenant à cette question. Les chercheurs ont examiné la rétine du rat, un modèle simple pour étudier la régénération du SNC. Ils ont constaté in vitro que les neurones rétiniens (cellules ganglionnaires rétiniennes) d'embryons de rats développent des axones beaucoup plus rapidement que les neurones des rats plus vieux, quelle que soit l'amélioration de l'environnement (neurotrophines, cellules de Schwann, substrats favorisant la croissance, taux élevés d'AMPc). Ils ont aussi examiné des neurones rétiniens transplantés dans un cerveau en développement ; là encore, les neurones embryonnaires développent leurs axones plus vite. Ces observations suggèrent donc que la différence de croissance axonale est intrinsèque et ne dépend pas de l'environnement.
Les chercheurs ont ensuite découvert que la faible croissance des axones du SNC adulte est due à une propriété acquise durant le développement. Les neurones rétiniens qui sont dissociés, au stade embryonnaire, des autres cellules rétiniennes, et poursuivent leur maturation in vitro, continuent à régénérer rapidement leur axone. En revanche, lorsque les neurones rétiniens sont dissociés des autres cellules rétiniennes après la naissance, ils perdent cette capacité régénératrice. Ce changement de croissance axonale résulte donc d'un contact avec d'autres types de cellules rétiniennes.
Cellules amacrines ou interneurones
Les cellules coupables, ont découvert les chercheurs, sont les cellules amacrines, les interneurones qui font partie du circuit rétinien. Les cellules amacrines procurent pendant le développement le signal qui dirige les neurones rétiniens, jusqu'ici dans un mode de croissance axonale, vers un mode de croissance dendritique.
« Puisque ce changement de mode de croissance semble être irréversible et survient à la période néonatale, en même temps que la perte de la capacité régénératrice observée in vivo , nous pensons qu'il contribue de façon importante à l'incapacité des neurones du SNC à se régénérer in vivo », observent les chercheurs. « Par conséquent, pour promouvoir une régénération rapide et robuste du SNC chez les patients, la vitesse de croissance axonale intrinsèque pourrait être essentielle. »
Il reste toutefois à savoir si un changement similaire survient dans les autres neurones du SNC (cerveau et moelle épinière), précise au « Quotidien » le Dr Goldberg. On sait en tout cas qu'il « existe de nombreuses population d'interneurones dans le cortex ».
Les implications cliniques ne sont pas pour demain
Selon les Drs McKerracher et Ellezam, auteurs d'un commentaire associé, « le prochain pas important sera de déterminer si ces changements intrinsèques dans les neurones rétiniens peuvent être inversés ». Des expériences, ajoutent-ils, font espérer que ces changements sont réversibles. « Le défi, maintenant, sera de découvrir les signaux qui remettent les neurones dans un mode de croissance axonale. »
Les implications cliniques ne sont donc pas pour demain. En attendant, d'autres stratégies visant à améliorer l'environnement propice à la régénération sont sur le point d'entrer en évaluation clinique, en particulier pour aider les patients souffrant de traumatisme de la moelle épinière.
« Science » du 7 juin 2002, p. 1819.
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