PRATIQUE
Quatre-vingt-cinq pour cent des stimulateurs cardiaques implantés en France chaque année le sont chez des patients âgés de plus de 65 ans, et 65 % chez des patients âgés de plus de 75 ans. L'âge moyen des patients primo-appareillés est de 77 ans pour les hommes et de 80 ans pour les femmes. En 2000, 34 patients centenaires ont bénéficié de l'implantation d'un stimulateur cardiaque (fichier français 2000 des porteurs de stimulateur cardiaque, Stimucoeur, 2001).
Les indications usuelles de la stimulation cardiaque ont fait l'objet de recommandations et sont rappelées ci-dessous. Nous ne rapportons que les indications de classe I, c'est-à-dire celles pour lesquelles existent des preuves et/ou un consensus en faveur de l'implantation. Ces indications sont dominées chez les sujet âgé par les troubles de l'automatisme et de la conduction, responsables de syncopes le plus souvent traumatiques, ou quelquefois d'un ralentissement cérébral délétère. Certaines pathologies apparaissent plus fréquentes dans cette population. Il s'agit du bloc auriculo-ventriculaire complet dégénératif (maladie de Lenègre), et de la dysfonction sinusale, liée à la réduction cellulaire sinusale physiologique et aux modifications du système nerveux autonome. En revanche, certains troubles tels que le BAV du 1er degré, l'hémibloc antérieur gauche et l'association bloc de branche droit et hémibloc antérieur gauche sont d'une extrême banalité chez le sujet âgé, et ne doivent pas conduire à une implantation sauf en cas de symptômes sévères rattachés au trouble conductif.
La stimulation multisite est une nouvelle technique qui vise à restaurer le synchronisme interventriculaire chez le patient insuffisant cardiaque porteur d'un bloc de branche gauche. La stimulation biventriculaire a montré une amélioration significative de la qualité de vie et des performances à l'effort chez ces patients (étude MUSTIC, « N. Engl. J. », 2001). Ainsi, 357 stimulateurs multisite ont été implantés en 2000 en France avec un âge moyen d'implantation de 70 ans. La stimulation double chambre a par ailleurs prouvé son efficacité dans certaines formes très sévères de myocardiopathie hypertrophique résistantes au traitement médical.
Modèles et modes de stimulation
Le choix du mode de stimulation (simple ou double chambre) et du modèle de stimulateur sont guidés par l'interrogatoire, l'état clinique et l'étiologie du trouble qui motive l'implantation. Ce choix est également guidé par le mode de vie et le niveau d'activité du patient. La stimulation monochambre atriale (mode AAI) doit être évitée chez le sujet âgé en raison du risque toujours possible de survenue d'un trouble conductif auriculoventriculaire secondaire. Pour des raisons essentiellement économiques, il a été suggéré que les stimulateurs les moins sophistiqués, tels que les stimulateurs cardiaques monochambre ventriculaires ou les stimulateurs non asservis, devaient être implantés chez les patients âgés. Or, les données physiologiques plaident plutôt en faveur de la stimulation double chambre et de l'asservissement de fréquence. En effet, le vieillissement myocardique se traduit par une hypertrophie responsable de troubles de relaxation ventriculaire qui majorent l'importance de la participation atriale au débit cardiaque, qui s'élève à 40 % chez un sujet normal de 80 ans au repos. Il est donc important de conserver la systole atriale, ce qui n'est possible qu'en mode double chambre. Cela est particulièrement vrai chez l'insuffisant cardiaque. L'incompétence chronotrope, qu'elle soit physiologique ou secondaire à la prise de médicaments bradycardisants (bêtabloquants, amiodarone, vérapamil, diltiazem, lithium) est très fréquente chez le sujet âgé. Un essai randomisé récemment réalisé chez le sujet âgé (Pase, « N Engl J Med », 1998) a montré que la qualité de vie des patients était améliorée après implantation mais qu'il ne semblait pas exister de bénéfice du stimulateur double chambre par rapport au stimulateur monochambre asservi, sauf en cas de dysfonction sinusale. Il faut toutefois signaler que, dans cette étude, 26 % des patients en mode ventriculaire avaient permuté en mode double chambre en raison de l'apparition de troubles fonctionnels à type de dyspnée, malaise, s'inscrivant dans le cadre nosologique d'un syndrome du pace-maker. Enfin, il semblerait que la stimulation double chambre prévienne la survenue de la fibrillation auriculaire (étude CTOPP, « N Engl J Med », 2000), dont on connaît le risque thrombotique et l'effet hémodynamique délétère, mais ce bénéfice s'estompe si le patient est implanté après 74 ans. Certains auteurs ont conseillé le mode VDD (stimulation double chambre) chez le sujet âgé présentant un BAV du 2e ou 3e degré. Ce mode de stimulation double chambre présente l'avantage de n'utiliser qu'une seule sonde, mais l'inconvénient de ne pas pouvoir stimuler l'oreillette, ce qui contre-indique son emploi dans l'insuffisance chronotrope, et qui limite son intérêt chez le sujet âgé en raison du risque de survenue d'insuffisance chronotrope secondaire. Après un engouement au début des années 1990, le mode VDD reste actuellement peu utilisé.
Conclusion
L'indication de stimulation cardiaque et le choix du mode de stimulation, du type de stimulateur et de ses divers algorithmes doit se faire au cas par cas, en fonction des données anamnestiques (symptômes, niveau d'activité), cliniques et des examens complémentaires. La stimulation double chambre (mode DDD) semble la plus intéressante chez le sujet âgé, même si les études n'ont pas encore permis de trancher entre stimulation ventriculaire et atrioventriculaire. Il existe toutefois plus de complications secondaires à l'implantation d'un stimulateur double chambre que d'un simple chambre (9 % versus 4,8 % dans l'étude CTOPP). L'incompétence chronotrope doit être systématiquement recherchée chez le sujet âgé et impose le choix d'un stimulateur asservi. Chez le patient dont l'activité physique est limitée ou aux fonctions supérieures altérées, le stimulateur ventriculaire simple chambre non asservi reste l'indication de choix. Il est probable que la part de la stimulation multisite chez le sujet âgé insuffisant cardiaque augmente au cours des prochaines années, en raison de la prévalence de cette affection qui s'accroît avec l'âge et double tous les dix ans. Il convient toutefois de rester prudent car la procédure est complexe et aucune étude n'a montré pour l'instant d'amélioration en termes de survie.
Indications de la stimulation cardiaque (classe I)
Dysfonctions sinusales, sinoatriales
Dysfonction sinusale avec bradycardie spontanée symptomatique (lipothymies, syncope, pseudovertiges, insuffisance cardiaque, angor, palpitations, altération des fonctions cérébrales), conséquence de médicaments indispensables (maladie rythmique de l'oreillette, ischémie myocardique).
Incompétence chronotrope symptomatique.
Bloc auriculoventriculaire (BAV)
BAV III et l'une des situations suivantes :
- symptômes en rapport avec la bradycardie ;
- nécessité de médicaments entraînant une bradycardie symptomatique ;
- asystole > 3 secondes ou fréquence cardiaque < 40/min chez un patient éveillé, asymptomatique.
BAV du 2e degré avec bradycardie symptomatique.
Maladie neuromusculaire avec trouble conductif progressif.
Blocs bi- ou trifasciculaires
BAV III paroxystique.
BAV II Mobitz 2.
Syncopes neurocardiogéniques et hypersensibilité sinocarotidienne
Syncopes récidivantes causées par la stimulation du sinus carotidien.
Asystole > 3 secondes provoquée par un massage sinocarotidien doux en l'absence de tout traitement déprimant le nud sinusal ou la conduction AV.
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