De notre correspondante
à New York
La multirésistance aux antibiotiques de Staphylococcus aureus est devenue un problème clinique majeur dans le monde entier. Selon les pays, entre 34 et 60 % des souches de S. aureus isolées chez les patients sont résistantes à la méthicilline (souches SARM), et ces souches, généralement multirésistantes, restent uniquement sensibles à la vancomycine. La découverte, depuis 1996, de souches SARM résistant à la vancomycine, l'antibiotique du dernier recours, souligne le besoin urgent de développer de nouveaux agents antibactériens.
Une paroi externe sans cesse remodelée
Une différence majeure entre les cellules bactériennes et les cellules des mammifères est l'existence, chez les bactéries, d'une paroi externe rigide entourant la membrane cellulaire. Cette paroi cellulaire, remodelée sans cesse et protégeant les bactéries d'un gradient osmotique important, est un peptidoglycane formé par des liaisons covalentes.
C'est contre la formation de cette paroi cellulaire qu'agissent les antibiotiques bêtalactamines, comme les pénicillines, méthicilline comprise, et les céphalosporines. Les bêtalactamines inhibent en effet la transpeptidation (liaisons croisées entre les peptides) dans la paroi cellulaire. Leur noyau bêta-lactam forme une liaison covalente irréversible de type acyl avec les enzymes à activité transpeptidase, que l'on appelle aussi les Penicillin-Binding Proteins (PBP).
L'enzyme de résistance
L'inhibition de la transpeptidation fragilise la paroi cellulaire et provoque éventuellement la mort de la bactérie. La résistance vient d'une enzyme PBP2a. On sait que la résistance à la méthicilline chez S. aureus est due à l'acquisition d'un gène codant pour une nouvelle PBP, désignée PBP2a, dont l'affinité est fortement réduite pour les bêtalactamines. Cette PBP2a, n'étant pas inhibée par le noyau bêtalactam, permet la synthèse de la paroi bactérienne à des concentrations normalement létales de bêtalactamines.
Par conséquent, la PBP2a fournit une cible unique pour développer des inhibiteurs spécifiques contre les souches multirésistantes S. aureus.
Des travaux de Lim et coll., de l'université de Vancouver, devraient maintenant faciliter ce développement. Ils ont déterminé la structure cristalline d'un dérivé soluble de la protéine PBP2a, avec une résolution jusqu'à présent jamais obtenue pour des PBP de haut poids moléculaire. Ils ont aussi déterminé la structure des complexes formés par le PBP2a-acyl avec la pénicilline G ou la méthicilline.
Ces nouvelles données structurelles révèlent que l'acylation intrinsèquement lente de PBP2a, conjointement à la fixation réduite de la méthicilline dans un site actif étroit, sont responsables de la résistance envers les bêtalactamines. Ces travaux fournissent des indices importants pour développer de nouveaux antibiotiques contre les SARM.
Par exemple, il sera important, d'après les chercheurs, « d'améliorer l'affinité de fixation en augmentant le nombre des interactions non covalentes entre l'inhibiteur et le site actif ». Une autre voie pour développer des inhibiteurs extrêmement actifs pourrait reposer, ajoutent les chercheurs, sur « des composés non bêtalactamines non covalents qui se lient étroitement au site actif sans recourir à l'acylation ».
« Nature Structural Biology », 21 octobre 2002, http://dx.doi.org/10.1038/nsb858
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