Peut-on réduire la fréquence des infections postchirurgicales à staphylocoque doré en éliminant le portage nasal de la bactérie avant l'intervention ? La question qu'ont posée les médecins de l'équipe de l'étude MARS (Mupirocin and the Risk of Staphylococcus aureus) n'est pas totalement neuve. Des travaux antérieurs y avaient répondu par l'affirmative. Mais ces recherches manquaient de rigueur auprès de patients chirurgicaux. Une expérience positive était pourtant connue chez les patients en dialyse. L'antibiothérapie topique locale par mupirocine calcium à 2 % diminue la fréquence des infections à S. Aureus parmi ces patients.
En ce qui concerne la chirurgie, Trish M. Perl et coll. parviennent à des conclusions moins favorables. La désinfection nasale ne réduit pas significativement l'incidence des staphylococcies sur le site chirurgical. En revanche, et c'était là le deuxième objectif de leur travail, la fréquence des infections nosocomiales par ce même germe est significativement réduite chez les patients porteurs de la bactérie.
2,3 % sous mupirocine, 2,4 % sous placebo
Dans le cadre de l'étude MARS, 4 030 sujets devant subir un intervention chirurgicale (générale, neurologique, gynécologique ou cardio-thoracique) ont été enrôlés. Sur ce nombre, 3 864 ont été inclus en intention de traiter. Le nombre d'infections à S. Aureus relevé sur les sites opératoires montre le peu d'apport de la prophylaxie nasale. Les auteurs en relèvent 2,3 % chez les patients sous mupirocine et 2,4 % chez les patients sous placebo.
Le point positif est venu de la fréquence des staphylococcies nosocomiales. Les 891 patients (23,1 % des 3 864) porteurs de staphylocoque dans les voies aériennes supérieures ont été scindés, au hasard, en deux groupes. Le premier (n = 444) a reçu l'antibiotique, l'autre (n = 447) un placebo. La différence est statistiquement significative en faveur de la désinfection nasale, puisque 4 % des patients du premier groupe ont déclaré une infection nosocomiale à S. Aureus contre 7,7 % des patients sous placebo. « Pris ensembles, nos résultats et ceux d'études antérieures suggèrent que la prophylaxie par mupirocine intranasale peut prévenir les infections nosocomiales à S. Aureus en divers sites », constatent les médecins américains.
Contaminés par des soignants
Ils expliquent l'échec de la prévention des infections locales postchirurgicales par trois facteurs. Le premier est la faible fréquence de infections à S. Aureus sur les sites chirurgicaux. Ensuite, seulement 47,2 % de ces infections sont survenues chez des porteurs de la bactérie, un taux largement inférieur à celui attendu. Troisièmement, les données de l'électrophorèse suggèrent que certains patients peuvent avoir été contaminés par des soignants ou d'autres patients. De fait, la mupirocine ne pouvait prévenir des infections transmises par ce biais.
Une inquiétude, toutefois, que « l'utilisation prophylactique de la mupirocine puisse conduire à disséminer une résistance ». Selon le protocole court et défini utilisé pendant l'étude, seulement quatre isolats résistants à l'antibiotique ont été relevés. Trois d'entre eux provenaient de patients non traités par cet antibiotique ! Dès lors, une prophylaxie courte ne semble pas sélectionner de souches résistantes, précisent les expérimentateurs. « Nous concluons que le traitement par mupirocine a un effet protecteur au sein des porteurs de S. Aureus sur les muqueuses nasales et qu'elle est un agent adjuvant raisonnable en prévention de telles infections postchirurgicales chez les porteurs. »
« New England Journal of Medicine », vol. 346, 13 juin 2002, pp. 1871-1877.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature