SRAS : une sidérante hypothèse sidérale

Publié le 25/05/2003
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Chandra Wickramasinghe, du centre d'astrophysique de Pune (Inde), s'associe à deux collègues du centre d'astrobiologie de Cardiff pour signer une lettre dans « The Lancet » où ils exposent des recherches pour le moins peu courantes.

A l'aide d'un ballon dirigeable lancé depuis Pune, des prélèvements dans l'air stratosphérique à une altitude de quarante et un kilomètres sont réalisés. Les échantillons sont enfermés dans un conteneur stérile, pour être rapportés sur terre. « Nous avons détecté de grandes quantités de micro-organismes viables », racontent les astrobiologistes.
Le biomatériau recueilli contient de nombreux micro-organsimes, mais seulement deux d'entre eux sont similaires à des espèces terrestres connues et ont pu être cultivés.
« Nous estimons qu'une tonne de matériel bactérien tombe chaque jour sur la terre en provenance de l'espace, ce qui se traduit par environ 20 000 bactéries par mètre carré de surface terrestre », ont calculé les auteurs. Cette « injection » de l'espace de micro-organismes évolués « qui ont des affinités terrestres bien démontrées » fait envisager l'hypothèse d'une possibilité d'introduction par cette voie de bactéries et de virus pathogènes.
Les annales de l'histoire de la médecine sont capables de nous fournir nombre d'exemples de maux et pestilences pouvant nous être parvenus par cette voie, écrivent Wickramasinghe et coll. Ainsi, les épidémies de peste d'Athènes et de Justinien.

La grippe de 1917

Et aussi la pandémie grippale de 1917-1919, dont la deuxième vague létale a atteint le monde entier en un temps bref et au cours de laquelle des villages isolés depuis plusieurs mois, au milieu de plaines gelées d'Alaska, ont été atteints.
L'hypothèse d'une provenance de l'espace de l'agent pathogène du SRAS est cohérente pour Wickramasinghe et coll. « D'abord, le nouveau virus est apparu brusquement, de manière inattendue, au milieu de la Chine », expliquent les astrobiologistes, qui imaginent qu'une petite quantité de virus introduit dans la stratosphère a pu tomber à l'est du massif montagneux de l'Himalaya, « où la stratosphère est la plus fine ». Première chute qui a été suivie par des dépôts sporadiques dans les régions avoisinantes.
« Si le virus n'a qu'un pouvoir faiblement infectant, comme on le suppose, le cours de sa progression globale va dépendre de son transport stratosphérique, avec une chute continuelle au cours de quelques années à suivre », n'hésitent pas à écrire Wickramasinghe et coll. En conséquence de quoi, à côté des moyens habituels de contention des épidémies, nous devons aussi être vigilants et guetter l'apparition de nouveaux centres d'émergence de l'épidémie partout sur la planète. L'article est conclu ainsi : « De nouveaux cas pourraient continuer à apparaître jusqu'à ce que la source stratosphérique du germe soit épuisée. »
Hypothèse farfelue ou à prendre sérieusement en considération ?

Des épidémies dues à des recombinaisons naturelles

Elle provoque l'hilarité du Pr Bruno Lina (biologie virologique, faculté de médecine de Lyon), qui « imagine mal un germe tombant de la stratosphère et adapté pour contaminer l'homme ». D'ailleurs, comment un virus, qui infecte obligatoirement un organisme vivant, pourrait-il être présent isolé dans la stratosphère ? Rien ne permet d'affirmer que les épidémies des temps passés ne sont pas dues à des recombinaisons naturelles, rappelle-t-il.
Pour le Pr Antoine Flahault (épidémiologie de la santé publique, INSERM U444, hôpital Saint-Antoine, Paris), l'hypothèse doit être prise avec prudence. Mais elle n'est pas inintéressante. D'ailleurs, « on étudie bien la présence de la poussière du Sahara apportée par les vents au Groenland », et il existe au ministère de la Recherche des personnes chargées d'étudier ces phénomènes venus de l'atmosphère.
Le Dr Alain Chippaux (Société de pathologie exotique, Institut Pasteur) veut prendre cela « avec infiniment de précaution », sans le rejeter a priori, mais en partant du fait qu'il « n'existe aucun élément permettant de retenir l'hypothèse ». Si le virus était isolé des échantillons provenant de la stratosphère, cela serait un argument supplémentaire, pas une preuve décisive. Pour ce spécialiste, la pandémie de grippe de 1917 a pu utiliser les moyens de communication de l'époque pour se répandre. Et il rappelle que l'agent pathogène du SRAS n'est pas absolument nouveau.

« The Lancet », vol. 361, 24 mai 2003, p. 1832.

Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7341