La traque à l'agent causal des SRAS est toujours d'actualité dans les 11 laboratoires répartis dans 9 pays qui, selon l'OMS, « travaillent 24 heures sur 24 ». Les virologues des CDC d'Atlanta ont évoqué en début de semaine la piste d'un coronavirus. Ils ont, en effet, pu mettre en évidence du matériel génétique au sein de différents prélèvements bronchiques et systémiques de patients hospitalisés dans différents pays.
Pour le Pr Bruno Lina, virologue au CHU de Lyon, « les chercheurs ne disposent actuellement que de renseignements fragmentaires sur les causes de la maladie et aucune piste ne peut être écartée ». La Société internationale des maladies infectieuses (International Society for Infectious Diseases) émet l'hypothèse d'une possible coïnfection entre un paramyxovirus et un coronavirus. « Certains virus satellites ou du matériel génétique satellite peuvent influencer la virulence et la transmissibilité d'autres virus. C'est ce qui existe fréquemment chez les insectes et les végétaux mais, chez l'homme, seul le cas de la coïnfection par les virus de l'hépatite B et delta est connu », peut-on lire sur le site de l'ISID.
Pour le Pr Bruno Lina, « cette hypothèse est parfaitement plausible mais celles de la présence d'un virus recombinant ou d'un virus animal ne peuvent être, en l'état actuel des connaissances, écartées ».
Les coronavirus et l'appareil respiratoire
Les coronavirus appartiennent à une famille virale qui peut toucher à la fois l'homme et différentes espèces animales. Chez l'homme, on ne connaît actuellement que deux souches antigéniques distinctes - HCoV-229E et HCoV-OC43. « Les connaissances sur ces virus qui sont à l'origine de rhumes datent en majorité des années 1960. Leur faible pathogénicité n'avait pas incité jusqu'à présent à mettre en place des recherches poussées », indique le Pr François Freymuth (CHU Caen). Les coronavirus humains sont impliqués dans des affections touchant l'appareil respiratoire (rhumes et infections respiratoires basses), l'appareil digestif (diarrhées, entérocolite nécrosantes du nourrisson) et le système nerveux central - leur responsabilité a été évoquée dans la survenue des affections démyélinisantes. Leur distribution est ubiquitaire et ils circulent de façon épidémique saisonnière. Chez l'animal, 13 espèces distinctes, chacune d'elles ayant un spectre d'hôte étroit, ont été décrites.
L'équipe du laboratoire de virologie humaine et moléculaire du CHU de Caen a mis en place entre octobre 2000 et avril 2001 une étude sur des prélèvements effectués chez des sujets présentant des signes cliniques de rhume. Il ont recherché par techniques de biologie moléculaire la présence de souches de HCoV-OC43. Ce virus a été retrouvé chez 6 % des patients - une proportion similaire à celle du virus de la grippe, du VRS et du rhinovirus - et il s'est majoritairement traduit par le la fièvre et des troubles digestifs (60 % des patients). L'incidence des rhinites était de 35 % et celle des pharyngites de 24 %.
Pour le Dr Astrid Vabret, l'investigatrice principale de ce travail, « la mise en évidence par les experts du CDC d'un coronavirus dans des prélèvements bronchiques ne signe pas pour autant le lien de causalité entre le virus et la maladie. Mais il est fort possible qu'un coronavirus encore inconnu ait pu jouer un rôle dans les SRAS ». Différentes hypothèses sont actuellement à l'étude : existence d'un nouveau variant viral, d'une mutation, d'une recombinaison ou franchissement de la barrière d'espèces.
L'évaluation des kits de recherche virale
Le Pr Bruno Lina explique que « des tests sont actuellement effectués dans 11 laboratoires agrées par l'OMS » et que « la validité des kits de recherche virale disponible est encore en cours d'évaluation. Si les résultats se révèlent concordants dans les différents laboratoires, on peut imaginer que le pathogène après avoir été identifié pourrait être séquencé et que l'origine précise de la maladie pourra être déterminée ».
Le travail du Dr Astrid Vabret a été présenté en août 2002 au cours de XIIth International Congress of Virology à Paris et va bénéficier d'une publication au mois d'avril 2003 dans « Clinical Infectious Diseases ».
Le Pr Abenhaïm (directeur général de la Santé) : notre dispositif est efficace
LE QUOTIDIEN
Un passager français retour d'Hanoï via Bangkok s'est déclaré dans les médias « stupéfait » de l'absence d'information et de contrôle sanitaire dans les aéroports ; que lui répondez-vous ?
Pr ABENHAIM
Il faut raison garder. Des dizaines de milliers de passagers en provenance du Sud-Est asiatique ont atterri ces quinze derniers jours en France et, pour l'instant, aucun cas n'est survenu dans la population générale. Les seules personnes à risque sont celles qui ont séjourné dans les cliniques d'Asie. Celles-ci sont tracées et suivies médicalement à l'aéroport.
Air France a disposé des affichettes dans tous les aéroports et personne dans le monde, depuis le début de cette épidémie, ne peut prétendre ne pas être au courant des risques.
Comment analysez-vous le cas du cardiologue hospitalisé à Tourcoing ?
Nous n'avons aucun moyen d'interdire à un passager d'embarquer et nous ne pouvons que nous reposer sur la conscience professionnelle des gens sur place qui doivent déclarer s'ils présentent des symptômes. Dans le cas de ce cardiologue, il n'a déclaré à personne qu'il avait des signes avant de partir ; quand il est arrivé à Roissy, comme toute personne en provenance de l'hôpital de Hanoi, il a fait l'objet d'un signalement et il a été examiné par un médecin de l'aéroport, lequel a procédé à un prélèvement nasal et a décidé qu'il pouvait repartir aussitôt.
Est-ce qu'il avait des symptômes qu'il a omis de déclarer ou n'en présentait-il pas ? Est-ce que l'examen à Roissy a fait l'objet d'une erreur médicale ? Je ne suis pas policier et ce problème sera étudié en son temps.
Toutes les personnes en contact avec ce cardiologue ont-elles été identifiées ?
Nous avons retrouvé les dix personnes qui étaient dans l'avion dans les deux mètres autour du cas. Toutes ont été consignées chez elles avec des arrêts de travail. Sept sont en France, parmi lesquels des médecins qui revenaient d'un congrès à Hanoi, une est en République tchèque, une en Pologne et une au Canada.
Vous n'envisagez donc pas de revoir la procédure sanitaire ?
Les personnes asymptomatiques ne sont pas contaminantes. Nous avons été les premiers au monde à estimer que mieux valait différer les voyages dans la zone s'ils ne sont pas indispensables. Mais nous n'avons pas de raison d'interdire l'embarquement des personnes en Asie du Sud-Est.
Notre système est fondé sur cette méthodologie. Si on doit prendre des mesures de population générale, on avisera en conséquence. Et soyons clair, si on décide d'arrêter tous les vols Hanoi-Paris, les passagers passeraient alors par Londres ou Athènes et nous serions alors dans l'incapacité de les retrouver. Notre système actuel a prouvé son efficacité puisqu'il nous a permis de retrouver les personnes exposées. Le seul cas primaire que nous comptions a été immédiatement hospitalisé.
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