SRAS : la première rétrospective dans le « Lancet »

Publié le 18/05/2003
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Lorsque l'OMS a déclaré le 15 mars 2003 un bulletin d'alerte dans le cadre d'une nouvelle maladie respiratoire apparue au Vietnam, les virologues avaient déjà à l'idée que les premiers cas décrits pouvaient constituer les prémices d'une épidémie planétaire. Des contacts téléphoniques ont été pris dès cette date par une équipe de médecins de l'OMS travaillant au sein du laboratoire de surveillance des maladies infectieuses, afin de mettre en place un réseau mondial de correspondants aptes à suivre l'évolution épidémiologique des cas de SRAS et à travailler sur l'identification de l'agent causal.

Des règles imposées par l'OMS

Les cliniciens et les laboratoires qui ont accepté de participer à ce réseau mondial de surveillance - il s'agissait généralement de spécialistes impliqués dans la surveillance de la grippe et des maladies respiratoires - se sont engagés à suivre des règles précises imposées par l'OMS : confidentialité, mise en commun des échantillons et des données, orientation des recherches vers la validation des critères du postulat de Koch (afin d'établir formellement le lien entre l'agent infectieux suspecté et la maladie). Par le biais de téléconférences et de la mise en place d'un site OMS spécifiquement dédié à ces travaux, les chercheurs ont pu être en contact constant les uns avec les autres.
Le 17 mars 2003, un bilan des différentes pistes virologiques (étiologie, méthodes de diagnostic, possibilités de mise en culture) est établi par les 11 équipes sélectionnées. Le 18 mars, les virologues allemands isolent un paramyxovirus au sein d'un prélèvement effectué chez un malade de Singapour. Le même jour, les chercheurs de Hong Kong font une description similaire. Le lendemain, les virologues de Singapour décrivent un virus pléiomorphe inconnu. Le 20 mars, des échantillons de métapneumovirus sont mis en évidence par des chercheurs de quatre laboratoires distincts. Le 21 mars, au cours d'une conférence téléphonique, l'équipe de virologues de Rotterdam - qui, les premiers, avaient décrit les métapneumovirus en 2001 - affirme n'avoir retrouvé aucun virus de ce type dans les prélèvements qui lui avaient été adressés. Le même jour, l'équipe allemande et celle de Hong Kong rapportent avoir isolé un virus inconnu qu'elles ont pu cultiver sur des cultures cellulaires in vitro. Le 22 mars, les chercheurs du CDC d'Atlanta annoncent que ce virus cultivé est de la famille des coronavirus, mais qu'il ne correspond à aucune description connue. Le 23 mars, après une analyse par PCR, ces mêmes chercheurs signalent que du coronavirus a aussi pu être isolé à partir d'autres prélèvements effectués sur des patients secondairement contaminés. Entre le 24 et le 26 mars, des descriptions du coronavirus en microscopie électronique et par PCR sont faites dans différents autres laboratoires. Du 27 au 31 mars, un début de séquençage du coronavirus peut être effectué.
Le 1er avril, l'équipe néerlandaise inocule le coronavirus à des singes. Le 9 du même mois, elles publie la description clinique du développement de l'affection chez deux singes macaques.

Les premiers tests sérologiques

Enfin, les premiers tests sérologiques - se positivant vingt jours après l'infection - sont proposés dès le début du mois d'avril.
Un mois après la mise en place du réseau mondial, les experts de l'OMS tirent un bilan très positif de cette mobilisation mondiale. Le délai entre la signalisation des premiers cas suspects et l'identification de l'agent causal est en effet très court. Néanmoins - et même si la situation semble à ce jour s'améliorer progressivement grâce à la mise en place de mesures très strictes de précautions -, il est encore top tôt pour affirmer que l'on est venu à bout de l'épidémie dans la mesure où l'on ne dispose d'aucun traitement préventif ou curatif de la maladie.

« The Lancet », vol.361, pp. 1730-1736, 17 mai 2003.

Malades et suspects exclus du don de sang

Pour la première fois, l'OMS a émis le 15 mai 2003 des mesures de précautions pour le don de sang en réponse à l'épidémie mondiale de SRAS. Dès le 10 avril, les autorités canadiennes avaient exclu toutes les personnes au retour de pays endémiques pour le SRAS, de tout don de sang pendant au moins quinze jours (« le Quotidien » du 11 avril 2003). Cette mesure avait été suivie par l'adoption de telles précautions par certains pays européens et les Etats-Unis.
Dans un communiqué diffusé sur son site Internet, l'OMS précise aujourd'hui qu'il n'existe aucun cas connu de transmission du virus du SRAS par voie sanguine (sang ou produits sanguins) et qu'il s'agit donc de simples mesures de protection. Si le donneur potentiel a été en contact étroit avec un cas probable de SRAS, mais n'en présente pas les symptômes, il doit s'abstenir pendant trois semaines, préconise l'OMS.
Si le donneur est un cas suspect de SRAS et en présente les symptômes, il doit s'abstenir pendant un mois après la guérison complète et la fin de son traitement.
Les cas probables de SRAS doivent s'abstenir pendant trois mois après la fin du traitement.
Un donneur qui développerait les symptômes de la maladie dans un délai de un mois après un don doit le signaler aux autorités sanitaires et les produits sanguins qu'il a donnés doivent être retrouvés et retirés.

Dr Isabelle CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7336