C'est certainement le « Wozzeck » le plus explicite, le plus limpide, bien que joué sur une scène noire et entièrement vide, qu'il nous ait été donné de voir.
Pas de décor, un espace circulaire rouge sang délimite au sol le lac et certaines séquences de la pièce, une grande lune rougeoyante apparaît au fond de la scène à deux moments clés de la folie meurtrière de Wozzeck, quelques accessoires, une chaise, voilà pour la scénographie de Braunschweig pour sa première mise en scène du « Wozzeck » de Berg - le « Woyzeck » de Büchner ayant été par lui remis deux fois sur le métier au cours de sa jeune carrière.
Pour la mise en scène, l'action, et elle seule, continue, sans les temps morts de changements de décor, sans entracte. Aucune scène n'est privilégiée par rapport à l'autre et l'action se déroule d'une façon cinématographique et inexorable, comme l'a voulu Berg.
Pour la direction d'acteurs, un travail d'expert sur la psychologie des personnages. La chance aussi d'avoir pu réunir sur un même plateau des chanteurs si doués pour le théâtre.
Dietrich Henschel, d'abord, qui n'a certainement pas la voix rêvée pour Wozzeck, trop belle, trop distinguée, trop claire et trop bien chantante ; mais scéniquement, il incarne parfaitement, avec sa grande silhouette dégingandée, ce personnage de victime tel que le voit le metteur en scène : « un déshérité sur terre », un homme hyperréceptif aux signaux que lui envoie la vie mais incapable de les déchiffrer. Marie aussi, magistralement chantée par Nina Stemme, l'Isolde suédoise du dernier festival de Glyndebourne (voir « le Quotidien » du 17 juillet dernier), dans le contre-emploi absolu, voix riche et précise sur toute la tessiture, résistant à la tentation du Sprechgesang, porte ouverte à toutes les facilités.
Tous les seconds rôles, aussi, parfaitement tenus, surtout le Docteur sadique et pétri d'orgueil de Walter Fink et le Capitaine hystérique de Pierre Lefèvre. Le Tambour-Major de Kim Begley, coq de foire ridicule dans sa façon d'exhiber sa virilité, et la Margret d'Hélène Jossoud, tout comme L'idiot de Eberhard Francesco Lorenz perdent leur caractère de silhouette pour devenir des personnages à part entière du drame.
A la tête du magnifique Orchestre de l'Opéra de Lyon, le jeune chef allemand Lothar Koenigs fait aussi du théâtre et montre que jouer au premier degré ce que « Wozzeck » doit aux postromantiques ne le rebute pas.
Un formidable spectacle qui devrait servir d'exemple à tant de mauvais metteurs en scène étrangers qui continuent de polluer notre première scène lyrique parisienne.
Opéra national de Lyon (04.72.00.45.45). Prochain spectacle : « Fidelio » de Beethoven, direction de Leopold Hager, mise en scène de Nikolaus Lehnhoff, du 28 novembre au 12 décembre.
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