Le rétablissement d'une filière universitaire spécifique de gynécologie médicale à compter de l'année 2003-2004 (« le Quotidien » du 6 février) est unanimement rejeté par les représentants des médecins en formation à l'hôpital. Dans un texte commun, les internes de spécialité (ISNIH), les résidents de médecine générale (ISNAR), les externes (ANEMF), les chefs de clinique (ISNCCA) et l'Association des gynécologues et obstétriciens en formation (AGOF) s'opposent au projet de diplôme d'études spécialisées (DES) de gynécologie médicale, redoutant que la nouvelle spécialité aboutisse à la « scission » de la gynécologie.
Les carabins jugent cette filière et la maquette qui l'accompagne « néfastes » pour les praticiens en formation, qu'ils soient spécialistes ou non. Ils soulignent en particulier le manque de terrains de stages de gynécologie, et donc le risque de « brader », disent-ils, la formation des futurs gynécologues médicaux. En outre, le nouveau DES « ne sera pas reconnu au niveau européen », car la plupart de nos voisins ont une formation en gynécologie unique. Affirmant que le nouveau diplôme « ne se justifie pas en termes de santé publique », les médecins en formation craignent en revanche que la création de cette filière ne se fasse « au détriment de spécialités sinistrées comme la chirurgie ». « Il paraît urgent de concentrer les médecins en formation sur des spécialités en crise, et d'éviter de disperser des énergies en créant inutilement un diplôme de piètre qualité qui ferait double emploi », résument les représentants des futurs médecins. Lesquels font valoir que, depuis 1998, le nombre d'internes inscrits en gynécologie obstétrique a augmenté de 65 % (passant de 450 à 750 au premier janvier 2003) et qu'une partie de ces spécialistes auront à terme une activité exclusive de gynécologie médicale. D'où l' « inutilité » d'une filière spécifique...
Cette prise de position iconoclaste intervient au moment même où le comité de défense de la gynécologie médicale (CDGM), qui conduit depuis cinq ans une croisade très médiatisée, justement pour rétablir un diplôme de gynécologie médicale (recueillant plus de deux millions de signatures), estime avoir obtenu une première « victoire ».
Du côté des généralistes, on n'est guère plus enthousiaste. Ainsi, MG-France conteste « le bien-fondé de cette création. Il s'agit d'une exception française en Europe ». Le syndicat des généralistes demande que soient augmentées les possibilités de formation en gynécologie obstétrique des futurs médecins généralistes. « Car ce sont eux, explique ce syndicat, qui auront dans quelques années, la responsabilité de la santé de l'essentiel de la population féminine de notre pays. » Et le syndicat présidé par le Dr Costes est bien décidé à s'associer « à toutes les protestations » contre la création du diplôme, « qu'elles émanent des médecins en exercice ou de médecins en formation ».
Tout reste à faire
A l'inverse, pour le Dr Clara Pélissier, présidente d'honneur du Collège national des gynécologues médicaux, la reconnaissance de la gynécologie médicale en tant que telle est une bonne chose. Il faudrait cependant prévoir un enseignement commun, « à des moments donnés » avec la gynécologie obstétrique d'une part et l'endocrinologie d'autre part. « Pour moi, la gynécologie, c'est une seule maison et la gynécologie médicale en est l'une des composantes. Mais il faudrait des passerelles entre la gynécologie médicale et les deux autres disciplines, la gynécologie obstétrique et l'endocrinologie. »
Elle aussi regrette que ce DES ne soit pas reconnu au niveau européen. « Aujourd'hui, on ne peut pas raisonner dans le seul cadre hexagonal ; alors soit Bruxelles accepte de reconnaître ce diplôme, pour que nos internes puissent partir faire leurs stages à l'étranger, soit il faut que nous nous alignions en créant une spécialité de gynéco médicale et obstétrique qui durerait cinq ans. »
La maquette du DES laisse également sceptique le Dr Pia de Reilhac, présidente du Collège national des gynécologues médicaux. « Nous, à la Fédération des Collèges, nous souhaitions un DES à double option (médicale et obstétrique) mais la loi est passée (loi du 4 mars 2002) et le DES a été créé. » Aujourd'hui, « il y a une maquette, poursuit-elle, mais tout reste à faire ». « Sur le plan théorique, ça va mais, au niveau pratique, c'est le flou le plus complet. Tout est à construire et ce sera un travail de longue haleine dans chaque région. Il faudra beaucoup de bonne volonté pour agréer certains services en gynécologie médicale (dans les services d'endocrino, de cancérologie, de médecine de la reproduction par exemple) ». On ne connaît toujours pas le nombre d'internes et on ne sait pas s'ils pourront devenir chefs de clinique ou PU-PH. Cette incertitude inquiète les gynécologues qui estiment la maquette peu attirante pour les futurs internes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature