Sur l'échiquier des négociations conventionnelles se joue désormais une partie complexe où chaque acteur (CNAM, gouvernement, syndicats médicaux) a beaucoup à perdre.
Les caisses, qui ne se résolvent pas à la rupture avec les syndicats majoritaires, ont habilement proposé de jouer les prolongations par le biais d'un « accord transitoire » qui couvrirait les spécialistes libéraux jusqu'à la fin de l'année (« le Quotidien » du 27 mars). Le gouvernement a saisi la balle au bond et Jean-François Mattei, à deux reprises déjà, s'est refusé à parler d' « échec », et privilégie toujours la « voie conventionnelle » plutôt que l' « étatisation ou la privatisation». Optimiste, le ministre de la Santé, qui suit de près l'évolution des négociations, préfère continuer à jouer en 2003 un rôle de « médiateur » entre caisses et médecins plutôt qu'un rôle d'arbitre sur des sujets aussi explosifs que la liberté tarifaire. En cas d'échec seulement, il « prendra ses responsabilités ». Malgré la posture de retrait relatif du ministre, certains syndicats pressent le gouvernement de « reprendre la main » immédiatement , même s'il décide de mettre en place le règlement minimal conventionnel (RCM) dont ils espèrent qu'il sera favorable aux médecins. C'est un pari, car rien ne dit que le contenu de ce RCM irait, par exemple, au-delà de l'accord du 10 janvier.
Épreuve de force
C'est pourtant la stratégie que défend le Dr Jean-François Rey, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF), qui réunira ce soir son comité directeur, avant l'AG de la CSMF, qui tranchera demain (voir ci-dessus). Pour lui, le « raidissement brutal » de l'assurance-maladie depuis le début du mois de mars « alors même qu'un accord semblait possible fin février » fait que « la confiance n'existe plus » avec les caisses , ni en haut de hiérarchie syndicale, ni à la base. La grande majorité des spécialistes en auraient « ras-le-bol ». « Quatre-vingts pour cent d'entre eux », estime-t-il, veulent tourner la page du partenariat actuel. La proposition de convention transitoire de la CNAM n'est rien d'autre qu'une « manœuvre dilatoire » et un « habillage ». « La réalité, ajoute-t-il, c'est qu'on propose aux spécialistes de repartir pour neuf mois après huit ans de blocage des honoraires et dix mois de négociations. » Sur la forme, il condamne la méthode de négociations des caisses qui utilisent des chiffres « tardifs, approximatifs, tendancieux ». Sur le fond, il regrette que les pouvoirs publics n'aient pas encore pris la mesure de la situation « dramatique » de la médecine spécialisée libérale, notamment dans les disciplines cliniques et pour les médecins en secteur I.
La santé « sacrifiée »
Les spécialistes, enfin, seraient indirectement « victimes » de facteurs qui les dépassent : la mauvaise conjoncture économique, la crise irakienne qui « focalise » l'attention politique, la prochaine réforme de la gouvernance et même un « deal politique » entre la CFDT, qui préside la CNAM, et le gouvernement. « On est en train de sacrifier la santé sur l'autel des retraites », analyse le Dr Rey.
Pour le président de l'UMESPE, il convient de relancer la mobilisation des spécialistes. Les armes sont connues : utilisation « la plus large possible du DE » dans le cadre de la légalité, grève de la télétransmission, cessation de toute activité coopérative avec les structures publiques, sensibilisation des patients et des députés locaux.
Sur Europe 1, Jean-François Mattei a souligné que le « DE est autorisé avec tact et mesure ». « En oubliant le tact et la mesure, a-t-il ajouté, je crois que quelquefois on s'écarte du serment d'Hippocrate. »
D'autres actions de contestation, plus dures et « massives », pourraient être annoncées en avril.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature