A l'appel de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE) qui rassemble les praticiens de la CSMF et du Syndicat des médecins libéraux (SML), les médecins spécialistes libéraux entament à partir de demain une série de journées d'action et de sensibilisation destinées tout à la fois à alerter l'opinion et les pouvoirs publics sur les problèmes spécifiques de leur profession, et obtenir une revalorisation des tarifs de leurs actes médicaux, bloqués depuis plus de sept ans.
Ce sont les gastro-entérologues qui inaugurent demain cette série de journées d'action, suivis le 13 septembre par les ophtalmologistes, le 18 par les endocrinologues, le 20 par les dermatologues, le 4 octobre par les psychiatres et le 15 octobre par les radiologues. Le bouquet final aura lieu le mercredi 16 octobre avec une journée entière « sans spécialistes ».
« Pour le moment, il s'agit de grèves spécialité par spécialité, souligne le Dr Jean-François Rey, président de l'UMESPE ; en fonction de la réaction des caisses et des pouvoirs publics, il sera toujours possible de durcir le ton de l'ensemble des médecins spécialistes à partir du 4 novembre, date pour laquelle les spécialistes en clinique ont déposé à leur tour un préavis de grève. »
Arrêt total d'activité
S'agissant plus spécifiquement de la première journée des gastro-entérologues, le Dr Rey, également président du Syndicat national des médecins français spécialistes de l'appareil digestif (SYNMAD), est sans ambiguïté : « C'est d'un arrêt total d'activité qu'il s'agit, c'est une grève, au niveau des cabinets, des cliniques et des vacations hospitalières, et un préavis de grève a été dûment déposé, comme la loi nous en fait obligation. Et si nous ne manifestons pas dans la rue, c'est que le petit nombre de gastro-entérologues (voir encadré) ne nous le permet pas. » Le Dr Rey précise que, s'il est « plutôt satisfait » de la tonalité des propos tenus jusqu'à présent par le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, sur la maîtrise comptable des dépenses, il est « nettement plus réservé sur la volonté de dialogue de la CNAM ».
« Par nature, poursuit-il , le ministère de la Santé est un ministère dépensier, mais les sous, c'est à Bercy qu'ils se trouvent ! Et quant à Jean-Marie Spaeth, le président de la CNAM, s'il a fait des déclarations d'ouverture, on n'en est pas encore à une relation de confiance. »
Tonalité légèrement différente chez le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), qui appelle également à la grève, pour qui « le problème des gastro-entérologues n'est pas tellement crucial aujourd'hui, mais il pourrait le devenir si on mettait en application la nouvelle classification des actes médicaux. Car les simulations réalisées montrent que les gastro-entérologues en seraient les grands perdants ».
Sur la nouvelle convention qui va se négocier d'ici à la fin de l'année entre les syndicats médicaux et l'assurance-maladie, le Dr Rey assure que les gastro-entérologues, comme tous les autres médecins spécialistes, ne l'accepteront que si elle s'accompagne d'une enveloppe financière de 1 milliard d'euros pour les revalorisations d'honoraires. De plus, cette nouvelle convention devra comprendre des espaces de liberté tarifaire, notamment pour les spécialistes : « Les gastro-entérologues, ajoute le Dr Rey, ont des charges financières spécifiques, par exemple l'endoscopie digestive dont le coût a progressé de 30 % en cinq ans. Et voyez le problème de la pince à biopsie à usage unique : une pince de bonne qualité coûte 12 euros et son remboursement ne nous est toujours pas accordé par ceux qui ont décidé son usage unique. »
Le résultat, selon le Dr Rey, est qu'on en est au point où sont rationnés certains soins comme l'endoscopie digestive, que de plus en plus de spécialistes hésitent à pratiquer en plateaux d'ambulatoire pour des raisons de coûts.
Un sentiment partagé par le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF), pour qui « c'est toujours pareil, on pond des lois, des règlements, mais sans jamais penser aux conséquences financières ». Le Dr Brun qui précise que si l'UCCSF suit le mouvement de grève des spécialistes, elle se concentre essentiellement sur la grève du 4 novembre des médecins spécialistes en clinique.
Enfin, les gastro-entérologues ont un problème de « démographie en perte de vitesse » pour le Dr Rey, et « c'est maintenant qu'il faut agir, afin que les gastro-entérologues ne rencontrent pas les problèmes qu'ont en leur temps rencontrés les anesthésistes ». Selon le président du Synmad et de l'UMESPE, les rares internes formés en gastro-entérologie ne sont pas suffisants pour compenser les départs à la retraite.
Il est clair que, par leurs actions de renvendications qui vont se dérouler sur deux mois, les médecins spécialistes souhaitent montrer au grand public et aux médias que la balle est essentiellement dans le camp des caisses d'assurance-maladie et du gouvernement, à qui reviendra le dernier mot.
Une démographie stable
En 2001 il y avait en France 2 098 gastro-entérologues, contre 2 099 en 2000, selon les statistiques (« Point Stat n° 34 ») de la CNAM, c'est-à-dire que leur nombre est resté stable.
Si l'on considère les seuls médecins actifs à part entière (APE), selon la définition donnée par l'assurance-maladie (1), on comptait en 2001 1 851 gastro-entérologues (dont 252 femmes, c'est-à-dire 12 % du total) contre 1 839 en 2000.
Toujours en 2001, les honoraires moyens des gastro-entérologues, y compris frais de déplacement et dépassements, se sont élevés à 168 134 euros, soit environ 1 102 790 F (chiffres provisoires) contre 165 735 euros, soit environ 1 087 055 F en l'an 2000, avant déductions des frais et impôts. Il s'agit bien sûr de recettes et non de revenus.
Toujours en 2001, on comptait en France 46 456 médecins spécialistes.
(1) Sont exclus du groupe des actifs à part entière, dans les statistiques de la CNAM, les médecins qui se sont installés au cours de l'année, ceux qui ne sont pas conventionnés, ceux qui exercent à l'hôpital à temps plein, enfin ceux qui ont atteint leur 65e anniversaire au cours de l'année et continuent cependant à exercer.
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