A nnoncée au 1er juillet, puis constamment repoussée, la parution du nouveau règlement conventionnel minimal (RCM) pour les médecins spécialistes ne surprendra pas ces derniers pendant leurs vacances.
Bien que ce texte soit attendu avec impatience depuis la rupture des négociations conventionnelles le 16 avril, on ne cache plus, dans l'entourage du ministre de la Santé, que le nouveau RCM entrera en vigueur « plutôt au 1er septembre qu'au 1er août ». Le cabinet de Jean-François Mattei n'exclut pas pour autant une publication encore plus tardive, tant le sujet est « complexe » et mérite que le gouvernement « prenne son temps ». « Les discussions [sur le RCM] ont toujours lieu au sein des ministères concernés », précise-t-on Avenue de Ségur.
Manifestement, le gouvernement cherche encore la recette de la potion qui ne laissera à personne un goût trop amer. Il s'agit de concocter un RCM qui saura rétablir politiquement « la paix médicale » souhaitée par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, tout en ménageant la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et en modérant l'impact financier des ingrédients utilisés (revalorisation éventuelle du CS), à l'heure où se prépare aussi le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004.
Les coordinations de médecins spécialistes soufflent déjà depuis des mois au ministre ce qu'elles considèrent comme la seule « recette miracle », à savoir la liberté des honoraires, qui permettrait d'augmenter instantanément les revenus des médecins spécialistes de secteur I (dont le tarif de consultation a augmenté de seulement 13 centimes d'euro en huit ans) et ferait porter le poids du surcoût financier non pas sur les comptes de la Sécurité sociale, mais sur les organismes complémentaires de santé et les patients eux-mêmes.
Les médecins spécialistes coordonnés demandent en effet soit la réouverture du secteur II à honoraires libres (réservé actuellement aux anciens chefs de clinique et assistants des hôpitaux), soit un « secteur unique, libre et modulable » - revendiqué aussi par la Fédération des médecins de France (FMF) -, qui laisserait à chaque médecin le choix d'appliquer le tarif opposable ou des dépassements d'honoraires selon les cas. S'engouffrant dans une faille du droit, certains spécialistes de secteur I ont d'ailleurs déjà dévissé leur plaque pour devenir remplaçants de confrères en secteur II et pouvoir ainsi fixer librement leurs honoraires.
Pas de liberté d'honoraires
Quant aux syndicats médicaux CSMF, SML et Alliance, ils préconisent simplement un « nouvel espace de liberté [tarifaire] partagé entre les médecins et leurs patients » et proposent aux médecins de l' « expérimenter grandeur nature » tous les mercredis jusqu'en septembre.
Les médecins spécialistes représentés par l'Association pour l'ouverture du secteur II (APOS2) se sentent renforcés par le jugement rendu récemment par le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Nancy, qui a autorisé deux ophtalmologistes lorrains à passer en secteur II, au motif que le RCM de 1998 ne mentionne pas expressément l'irréversibilité du choix du secteur d'activité au moment de l'installation (« le Quotidien » du 17 juillet). L'APOS 2, fondée par des ophtalmologistes, a déjà incité « 600 médecins » à assigner leurs caisses d'assurance-maladie devant les TASS et les tribunaux administratifs pour refus de passage en secteur II, et presse les autres médecins « qui le souhaitent, (à) entreprendre les procédures devant le TASS ». Au lendemain de la première victoire juridique de l'APOS2, la Coordination nationale des médecins spécialistes (CNMS) l'a « félicitée » et lui a réitéré son soutien.
Mais, rappelle-t-on au ministère de la Santé, le jugement du TASS de Nancy en première instance (pour lequel l'assurance-maladie vient de faire appel) ne peut en aucun cas « fixer le droit ». Les spécialistes de secteur I en colère ne doivent pas s'attendre non plus à une légalisation a posteriori de leurs dépassements d'honoraires « sauvages » à travers le futur RCM. « La liberté des honoraires, souligne-t-on dans l'entourage de Jean-François Mattei, n'est pas à l'ordre du jour. Il n'est pas question que les médecins libéraux obtiennent dans le RCM ce qu'ils n'ont pas réussi à obtenir dans la négociation conventionnelle. Sinon, ce serait un conflit majeur avec la CFDT » [qui dirige la CNAM et soutient par ailleurs la réforme gouvernementale des retraites, NDLR].
En attendant, les cotisations sociales des médecins spécialistes de secteur I ne sont plus prises en charge par les caisses qu'à hauteur de 56,7 % au lieu de 66 %, depuis avril. Les dépassements d'honoraires en secteur I continuent, au point que treize caisses du Nord - Pas-de-Calais viennent de rappeler à l'ordre 200 spécialistes (12 % des effectifs de la région) par courrier, en les menaçant de sanctions financières, voire de déconventionnement en dernier ressort.
Dans la Sarthe, la CPAM doit répondre aux nombreux courriers et appels de patients auxquels elle rembourse moins d'un euro les actes effectués par les 34 médecins spécialistes qui se sont déconventionnés depuis le 5 juillet.
Enfin, la CNMS publie sur son site Web les noms des quelque 1 200 spécialistes « qui ont déjà signifié leur refus d'un RCM ne répondant pas à leurs exigences ». Si la vague des déconventionnements a été endiguée, les spécialistes devraient faire remonter la pression à la rentrée.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature