Deux mois après la rupture des négociations avec l'assurance-maladie, la contestation des spécialistes reste vive mais protéiforme.
Parallèlement au mouvement dur et inédit de déconventionnement orchestré par les coordinations et soutenu par la Fédération des médecins de France (FMF), qui a gagné les départements du Grand Ouest (mais pas seulement) et concerne surtout quelques disciplines (opthalmos, dermatos, gynécos...), les syndicats traditionnels ont décidé d'occuper le terrain contestataire en ouvrant deux fronts.
Le premier, immédiat, vise à expérimenter en grandeur nature les espaces de liberté tarifaire dans le cadre des « mercredis du DE » appelés encore « mercredis de santé libérée ». Ces journées se reproduiront jusqu'à nouvel ordre, au moins jusqu'en septembre. Avec le syndicat Alliance, la CSMF et le SML veulent institutionnaliser une démarche permettant à chaque médecin en secteur I de disposer d'un « espace-temps de liberté tarifaire ». En pérennisant l'initiative, les représentants des spécialistes font le pari que l'espace de liberté (et donc le principe d'honoraires majorés d'un DE) s'imposera dans les esprits puis s'incarnera dans la réforme.
Etats généraux et assises à la rentrée
L'autre front ouvert par les syndicats, à la rentrée, est celui de la réflexion, du débat et de l'analyse. Premier dans l'effet d'annonce, le SML a décidé de convoquer, le samedi 18 octobre à Paris, des « états généraux de la médecine libérale ». A cette occasion, des centaines de généralistes et spécialistes, dont de nombreux praticiens issus des coordinations, pourront, selon la formule du SML, exprimer « leur sentiment, voire leur ressentiment ». Des propositions concrètes seront avancées pour que les médecins libéraux ne soient pas les « dindons de la farce » de la réforme, fût-elle déclinée par étapes.
La CSMF n'est pas en reste : sa branche spécialiste, l'UMESPE, attend également un « millier de médecins », un mois plus tôt lors des « assises de la médecine spécialisée » organisées à son initiative le 1 septembre. Là encore, il s'agira d' « écouter ce que les soignants ont à dire ». Quelle place pour les spécialistes dans le système de soins ? Quelle convention ou quels partenariats envisager ? Comment mutualiser les frais ? Quelles exigences tarifaires ? Quels transferts de compétence ? Autant de questions qui, selon le Dr Jean-François Rey, président de l'UMESPE, seront débattues. Le calendrier de ces manifestations n'est pas innocent. Les syndicats veulent accentuer la pression sur le gouvernement au moment où les choix décisifs pour moderniser l'assurance-maladie seront arrêtés. Si la profession n'est pas entendue, le Dr Rey envisage de relancer une contestation plus « agressive » début octobre. Dès cet été, des « actions coup de poing » ne sont pas exclues dans l'hypothèse de la publication, en juillet, d'un règlement conventionnel minimal (RCM) pénalisant.
Localement, enfin, la situation devrait se normaliser ou au contraire se dégrader en fonction de l'attitude conciliante ou agressive des caisses. « Les lettres de menaces envoyées par les caisses ne font pas le lit de l'apaisement », constate le Dr Philippe Demillère, ophtalmologue à Tassin-la-Demi-Lune, en banlieue lyonnaise. Dans plusieurs départements, la campagne de communication sur le bon usage des tarifs semble avoir avivé la tension. En Alsace, l'URCAM estime qu'il faudra faire le point après l'été. Pour son directeur, Joseph Losson, l'attitude modérée des caisses est « adaptée à l'attitude des médecins eux-mêmes » puisque les discussions sont restées courtoises. Les médecins confirment ce point de vue, même si certains reconnaissent avoir été irrités par la lettre (de rappel à la réglementation) qu'ils ont reçue fin mai. Dans le Grand Ouest, les spécialistes qui n'ont pas franchi le cap du déconventionnement fourbissent leurs armes en attendant la publication du RCM. Si les spécialistes refusaient massivement d'y adhérer, la fronde prendrait de facto une ampleur sans précédent. Un scénario noir pour le gouvernement.
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