THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
COPI SUR TOUS LES FRONTS
Le temps qui dévore et efface recadre aussi parfois la parole des poètes. Poète, Copi l'était, avec ses malices de gamin intrépide, son ironie corrosive, son courage intellectuel, son goût délirant du mauvais goût, sa mélancolie d'enfant de Saturne, son amour de la vie, son désespoir, son humour, sa science très sûre de l'art du théâtre. « Une visite inopportune » est un pied-de-nez à la camarde qui est en train de l'emporter : il mourra du SIDA alors même que Jorge Lavelli et ses comédiens répètent la pièce créée à la Colline en janvier 1988.
A l'époque, dans le désarroi et la joie, on avait découvert cette fantaisie aérienne avec un mélange d'admiration devant la force morale qu'elle supposait et de chagrin malgré le rire, l'extraordinaire efficacité comique que soutenaient une mise en scène et des interprètes excellents. Le temps a passé. Et ce qui frappe dans cette proposition remarquable du metteur en scène Lukas Hemleb, c'est la puissance de l'écriture, sa construction très serrée, ses répliques ajustées entre lesquelles ne peut glisser un fil de soie, ce don qu'avait Copi de la citation, cette extraordinaire science du théâtre qu'il possédait et lui permettait de se jouer des formes par glissements progressifs et ruptures.
De la parole au chant
C'est d'abord cela qui saisit, d'abord cela que le metteur en scène qui signe également les lumières, ses scénographes-costumières Jane Joyet et Alice Laloy, comme ses six interprètes, nous permettent de recevoir de plein fouet dans des hoquets de rire et des déchirements. Copi ne se joue bien que sérieusement, dans un investissement total de l'esprit et du corps, du cur et de l'intelligence. On n'en a peut-être un peu trop usé, mais nous dirions bien une fois encore, selon le beau mot d'Antonin Artaud, qu'il faut être « athlète affectif ». Chacun ici, l'est.
Le jeune Jérémie Lippmann dans le rôle ingrat, difficile du faux journaliste, Gérard Giroudon, composant un médecin désinvolte et super-actif, le professeur Vertudeau, avec ce qu'il faut d'infime décalage d'irréalité, pour être dans le ton exact qu'exige le personnage. Simon Eine, comme flottant dans ses vêtements élégants, l'ami désenchanté, grave, touchant, Hubert cultivant avec lui-même une distance meurtrie ou Dominique Costanza formidable infirmière à humeurs volcaniques, épatante dans sa blouse trop courte, irrésisitible dans l'humour et les folies Copi.
Avec Sylvia Bergé, Lukas Hemleb, qui saisit le texte avec une lucidité égale à celle de Copi et un sens sûr des régimes différents de la pièce, peut s'appuyer sur son subtil art du chant : Giordano, Verdi, Rossini, Catalini, Puccini, la voix est d'une pureté de cristal et Regina Morti passe de la parole aux airs les plus sophistiqués du répertoire avec un naturel si déconcertant qu'une partie du public croit d'abord qu'il s'agit d'enregistrements... Non. Elle chante « pour de vrai » cette superbe actrice, fine et mobile, aristocratique et libre. Cloué souvent dans son lit de malade, mais s'agitant parfois en d'actives inventions, Copi oblige, Eric Genovèse prête sa grâce mélancolique, son tact, sa sensibilité au « personnage » déchirant de Cyrille, comme si le sang d'encre et de paillettes de l'écrivain coulait dans ses veines...
Studio-Théâtre de la Comédie-Française, du mercredi au dimanche à 18 h 30. Relâches les lundi et mardi. Durée : 1 h 45 sans entracte (01.44.58.98.58).
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