Michel Poniatowski
Ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale
avril 1973-mai 1974
Vous m'avez demandé un témoignage sur mon meilleur souvenir comme ministre de la Santé. Ils sont nombreux, car j'ai eu le bonheur de beaucoup agir pendant le temps limité qui m'a été imparti.
Je dirai cependant que mon meilleur souvenir a été de pouvoir supprimer dans des hôpitaux encore vétustes les grandes salles communes de trente à cinquante lits et même plus, où le mourant était simplement caché par quelques draps suspendus, et en créant parallèlement de nombreuses chambres à un ou deux lits.
Mon plus mauvais souvenir a été de quitter le ministère de la Santé pour aller exercer mes fonctions au ministère de l'Intérieur en 1974.
Hervé Gaymard
Secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Assurance-Maladie
Novembre 1995-Juin 1997
Je n'ai jamais compté le nombre de jours pendant lesquels j'ai été au ministère de la Santé, de novembre 1995 à début juin 1997 ; mais, en tout cas, je ne les ai pas vus passer... Au cours de ces dix-neuf mois d'une densité exceptionnelle, dans ce ministère passionnant et émouvant parce qu'il est celui de la vie et de la mort, de la maladie et du handicap, de l'émotion et de la compassion, pour le débutant que j'étais, tout juste entré dans la vie publique, sans expérience, ni notoriété, ni relation, il est difficile de distinguer les bons des mauvais souvenirs, car tout se tient dans la mise en uvre d'une politique exigeante et ambitieuse de santé publique.
Il ne peut y avoir dans ce domaine de l'action publique de joie sans mélange, ni de tristesse sans espérance.
Le meilleur souvenir restera sans doute l'annonce des nouveaux traitements contre le SIDA associés en trithérapie, en janvier 1996 lors de la Conférence de Washington. Mais dans la seconde qui a suivi, le plus dur restait à faire pour donner du contenu à cet espoir : les essais cliniques n'étaient pas terminés, l'autorisation de mise sur le marché pas encore accordée aux Etats-Unis par la Food and Drug Administration, la production des médicaments en grande quantité loin d'être effective. Pendant toutes ces semaines, sans faire de bruit, nous avons travaillé tous comme des forcenés pour activer l'obtention des AMM, pour obtenir des laboratoires pharmaceutiques qu'ils accélèrent leur production, pour dégager les moyens financiers, pour préparer la double dispensation en ville et à l'hôpital. Et rétrospectivement, je pense, qu'avec beaucoup d'humilité, la France peut être fière d'avoir mis le plus rapidement possible et sans restriction à disposition des malades ces nouveaux traitements.
Le plus mauvais souvenir est sans doute la nouvelle que j'ai apprise du premier cas en France de maladie de Creutzfeldt-Jakob atypique. C'était à Pâques 1996, quelques semaines après la déclaration du ministère de la Santé britannique aux Communes. J'étais au Liban, accompagnant le président de la République, en train de visiter un hôpital avec mon homologue libanais, dans le Chouf. Faute, à l'époque, d'informations scientifiques fiables et compte tenu du silence assourdissant des autorités britanniques, nous ne savions pas où nous allions, nous ne savions pas le nombre de cas qui pourraient se déclarer. Nous avons immédiatement pris, sous l'autorité d'Alain Juppé, les mesures de précaution, mais il fallait maintenant imaginer et mettre en uvre les outils d'une politique ambitieuse de sécurité sanitaire et alimentaire. Cela a été un des dossiers les plus passionnants que j'ai eu à traiter.
Adrien Zeller
Secrétaire d'Etat à la Sécurité sociale et à l'Action sociale
mars 1986-mai 1988
Il est difficile de faire le tri entre les multiples événements qui ont jalonné ma fonction de secrétaire d'Etat à la Sécurité sociale et à l'Action sociale pendant deux années consécutives. J'ai souvent eu le sentiment de me trouver, face à la crise rémanente de la Sécurité sociale, dans l'il du cyclone avec une charge ingrate, mais sans jamais perdre la foi.
Mon meilleur souvenir, c'est une visite dans une institution qui s'appelait Handi-Village, située près du Mans, dans la Sarthe.
Handi-Village porte bien son nom ! La chaleur de l'accueil dans cet ensemble à l'époque flambant neuf, tant par les responsables de cet établissement que par les handicapés eux-mêmes m'a touché et marqué en profondeur.
J'ai gardé des liens avec les responsables de cette institution et j'ai ressenti que la reconnaissance, la chaleur humaine et la joie de vivre, malgré le handicap, pouvaient signifier quelque chose de profond.
Le « pire souvenir » vous concerne davantage.
C'était une de mes premières sorties, j'étais l'invité de la Mutuelle des Hôpitaux en congrès national à Valence et on m'a demandé mes premières idées pour obtenir une meilleure maîtrise des dépenses de santé d'une Sécurité sociale déjà en déficit chronique.
Je me souviens avoir dit que je verrais bien la mise en uvre, à la place de la banalisation, de la gratuité totale, d'un forfait de quelques francs (4 ou 5) à supporter par chaque assuré pour chaque médicament prescrit, de manière à responsabiliser assurés et médecins.
J'ai rappelé qu'en Allemagne il y avait un tel système qui demandait à l'assuré de supporter, quel que soit le prix du médicament, un forfait de 2 deutsche Mark.
Le lendemain, en lisant votre quotidien, j'ai découvert qu'il avait présenté ma proposition de la manière suivante dans un titre retentissant : « Adrien Zeller propose de faire payer chaque médicament 2 deutsche Mark ».
J'ai bien compris qu'à partir de là, ma proposition, pourtant raisonnable, n'avait, ainsi présentée, aucune chance d'être acceptée et compris le pouvoir de la presse médicale...
Permettez-moi de penser qu'elle était intéressante. Ainsi vont les choses, ainsi va parfois le pouvoir de la presse...
Jean-Louis Bianco
Mon meilleur souvenir comme ministre des Affaires sociales ? J'en vois au moins deux.
1) Dès ma nomination, j'ai été confronté à une grève de la faim qui durait dans toute la France depuis plus d'un mois. Il s'agissait des « déboutés du droit d'asile », c'est-à-dire des étrangers à qui ce droit avait été refusé au terme d'une longue procédure. Avec l'aide de l'abbé Pierre et d'autres personnalités, j'ai réussi à arrêter la grève, sans drame majeur, grâce à l'établissement de critères de régularisation qui allaient être repris, six ans plus tard, pour les « sans-papiers ».
2) Avec la Caisse nationale d'assurance-maladie, nous avons conclu un accord qui permettait, je crois, une répartition plus claire des responsabilités entre l'Etat et l'assurance-maladie. Cet accord a par la suite été remis en cause. Malgré les progrès réalisés, on ne peut pas dire que la question soit aujourd'hui complètement réglée !
Mon pire souvenir, c'est évidemment l'affaire du sang contaminé. Je deviens ministre au moment où le drame commence à être perçu dans toute sa dimension et dans toute son horreur. Que faire ? Que dire face à la douleur des familles ? Je peine pendant de nombreux mois pour obtenir une loi d'indemnisation. Et d'autre part, je m'efforce de participer à l'établissement de la vérité grâce à un rapport indépendant de M. Lucas, inspecteur général des Affaires sociales, que je rends aussi public. C'est peu de chose, même si j'ai reçu, à l'époque, des mots émouvants me remerciant pour ce que j'avais pu faire.
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