«À L'INTÉRIEUR du tunnel saturé de fumées, nos urgentistes ont cru leur dernière heure arrivée, rapporte le Dr Vincent Pegoraro, chef du service des urgences du centre hospitalier de Calais. D'autant plus qu'un jour comme celui-là [le 11 septembre, septième anniversaire des attentats contre New York, NDLR], tout le monde pense bien sûr à une action terroriste.»
Au lendemain de l'intervention, les quatre membres de l'équipe du SMUR de Calais, deux médecins et deux infirmières, sous le choc, ont bénéficié d'une prise en charge par une psychologue.
Les six chauffeurs intoxiqués par les fumées ont été hospitalisés quant à eux dans l'USC (unité de surveillance continue) et au service de pneumologie du CH. L'un d'eux, de nationalité polonaise, a été transporté au CHRU de Lille pour une séance de caisson hyperbare, en l'absence d'unité spécialisée sur place, ou de caisson mobile dans la région Nord - Pas-de-Calais.
«Les premières informations ont tout d'abord fait état de trente-deux, puis de douze victimes, rapporte le directeur du CH, Philippe Blua. Une cinquantaine de lits ont été tout de suite libérés. En définitive, la cellule de crise n'aura pas eu à activer le plan Blanc. Hormis les approximations autour de l'évaluation initiale, le débriefing effectué le lendemain a conclu à un sans-faute du dispositif.»
Un environnement à très haut risque.
Un dispositif activé par le SAMU d'Arras et qui a mobilisé des équipes nombreuses à Coquelles, à l'entrée du tunnel : hélicoptères de la protection civile, camions du SDIS et équipes des SMUR de Dunkerque, de Boulogne et de Calais, ainsi que des SAMU d'Arras et de Lille, avec l'arrivée du PSM (poste sanitaire mobile) de Lille, capable de prendre en charge 500 urgences absolues.
Situé à moins de 5 km de Coquelles, le CH de Calais, un établissement de 843 lits, est bien sûr en première ligne. Fort de ses onze PH, le service des urgences enregistre 30 000 passages annuels et dispose de neuf lits de HCD (hospitalisation de courte durée), deux salles de déchoquage et quatre box.
Des moyens qui datent d'une quinzaine d'années et qui ne semblent pas formatés pour un environnement à très haut risque : outre la sortie du tunnel, Calais est aussi le premier port de passagers français avec un intense trafic de ferries qui croisent les hypertankers de la mer du Nord, dans des conditions météo souvent délicates. Les équipes s'entraînent en conséquence. Calais n'étant pas un SMUR maritime, ce sont des hélicoptères militaires qui hélitreuillent, en cas de nécessité, des urgentistes à bord des ferries, où jusqu'à 3 000 passagers peuvent se trouver en difficulté.
Pour faire face aux catastrophes qui pourraient survenir dans le tunnel, un exercice grand format est organisé chaque année en janvier, dit plan Binat (pour binational). Médecins britanniques et français tentent d'harmoniser leurs stratégies respectives de l'urgence, dirigeant la manoeuvre à tour de rôle : les premiers mobilisent sur le site de la catastrophe des paramédics, alors que les seconds envoient des médecins, la communication étant encore compliquée par les problèmes linguistiques.
Côté français, d'autres exercices de simulation à moindre échelle sont organisés plusieurs fois par an pour tester la chaîne des secours et habituer les équipes à intervenir à l'intérieur du tunnel.
Depuis sa mise en service en 1994, le tunnel a déjà connu sept incendies, dont le plus grave, le 19 novembre 1996, avait fait cinq blessés et provoqué d'importants dégâts. Des pannes peuvent aussi nécessiter des interventions médicales, comme, en janvier 2007, le blocage d'un convoi pendant plusieurs heures à l'intérieur du tunnel, qui a nécessité la prise en charge de plusieurs passagers victimes de malaises.
Signe qu'une catastrophe peut survenir à tout moment, le CH de Calais est un des rares établissements à garder visible en permanence la signalisation de son plan Blanc. «Cette signalétique, dans les couloirs et sur les accès, commente le directeur, rappelle au visiteur que le CH vit sur le pied de guerre. Tout le personnel a conscience que la catastrophe nous pend au nez et reste vigilant.»
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