Festival international de piano de La Roque d'Anthéron

Sous les platanes, les pianos

Publié le 02/09/2001
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CLASSIQUE

PAR OLIVIER BRUNEL

A VEC ses quelques quatre-vingt concerts étalés sur un mois, le festival draine un large public, une moyenne de 2 500 spectateurs par jour, plus de 60 000 cet été - qui ont eu le privilège d'entendre le duo formé pour un soir par Martha Argerich et Nelson Freire - beaucoup plus varié que le public habituel des concerts citadins ou festivaliers.

Le festival ne vise pas que la musique classique : le jazz y tient son rôle et René Martin, directeur artistique de la manifestation, projette d'en élargir la place, la tirant même vers la musique contemporaine. Clavecin et orgue ont aussi leurs lieux appropriés.
Le rythme des concerts va de trois à six par jour, dans le petit théâtre de verdure Forbin, miracle de charme et d'acoustique au fond du parc, plus à l'écart des platanes et séquoias qui entourent l'auditorium du parc du château de Florans où ont lieu les concerts de début de soirée avec des artistes confirmés et ceux de la nuit.
Avec ses 1 850 places l'auditorium dont la scène est plantée sur un bassin et entourée d'une savante conque qui devrait encore être perfectionnée dans le futur, est une véritable réussite acoustique. L'inconfort en revanche est maximal dans les vilains sièges en matière plastique bien trop serrés et exigus. Mais le miracle de la musique fait que parfois on oublie cet inconvénient comme lors de la « Nuit Franz Liszt » dont le jeune pianiste américain Nicholas Angelich a joué à la suite les trois cahiers des « Années de Pèlerinage », marathon autant pour le public que pour la pianiste qui n'est cependant pas allé jusqu'au sans filet absolu, accompagné de la partition au long de ces trois grandes heures.
A peine remis de ces émotions il fallait assumer un nouveau choc : la découverte du pianiste italien Enrico Pace. Ce fort en thème, bardé de prix internationaux notamment le premier prix du Concours Liszt d'Utrecht et à ce titre déjà bien réputé aux Pays-Bas, possède des moyens digitaux superlatifs et une intelligence musicale comme on en a rarement entendus. Avant d'assener des pièces de virtuosité vertigineuses de Liszt il a donné l'interprétation la plus surprenante, la plus aboutie des « Davidsbündlertänze » opus 6, suite de dix-huit morceaux d'humeur de la jeunesse de Schumann et à ce titre un véritable défi pianistique qu'il a remporté haut la main.
On avait aussi voulu rendre hommage cette année au pédagogue soviétique Jacob Milstein dont plusieurs élèves et son propre fils Sergueï étaient venus parler et jouer. On retiendra l'hallucinante interprétation des « Tableaux d'une exposition » de Moussorgski par son élève Larissa Chilovskaja, magnifique pianiste originaire de Bakou en Azerbaïdjan.
Puis vint la clôture confiée à Christian Zacharias, un véritable seigneur musicien au service de la musique de Mozart, sans concession à sa supposée beauté, sans aucune démagogie. On aime ou l'on rejette en bloc cette façon d'aborder nerveusement, rugueusement une musique que l'on entoure trop souvent de rubans, il n'y a pas d'intermédiaire ! Mais l'on ne sort pas indemne après avoir entendu Zacharias diriger et jouer avec une intransigeance qui lui fait honneur les concertos n° 15 et 17 de l'année 1784 et les autres pièces pour ou avec piano du même cru !

Festival international de piano de La Roque d'Anthéron (04.42.50.51.15). Site Internet : http://www.festival-piano.com. Christian Zacharias a enregistré avec et à la tête de l'Orchestre de chambre de Lausanne le Concerto KV 503 et les Rondos de Mozart (1 CD DDD MDG, distribution Codaex).

BRUNEL Olivier

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6958