MAURICE BÉJART avait mis en scène au théâtre du Rond-Point les nô modernes de Yukio Mishima traduits par Marguerite Yourcenar. Chez Mishima, la reprise de la forme théâtrale traditionnelle passe par une écriture semblable à celle de ses nouvelles denses et puissantes, elliptiques. Pour retrouver l'encre même de l'écrivain, il faut toujours interpréter la forme, oublier, comme il le fait lui-même, le rigoureux carcan du nô. C'est ce que fait Julie Brochen. Il faut reconnaître que cela donne de belles images mais on est aussi face à des coquetteries de représentation qui étouffent un peu toute émotion. C'est comme si le metteur en scène hésitait dans sa proposition entre le souci de retrouver l'encre même, la pensée de l'écrivain douloureux et la forme qu'elle retranscrit, non sans métier et en puisant dans la culture même de l'Empire des signes, bien des effets. C'est riche, référencé.
Pourtant on a fugitivement le sentiment que trop de soin nuit à la tension dramatique. On a le sentiment que ce traitement très précieux écrase un peu le tragique. Il y a une densité de nouvelle dans ce nô moderne. Une affaire, un fait divers traité comme un précipité d'encre et de papier, ce que Julie Brochen se plaît à montrer très joliment d'ailleurs.
Mais le papier qui crisse comme neige et l'encre qui coule comme le sang, les vapeurs qui sourdent au-dessus du plateau qui reprend le rail de la gare des impossibles départs, tout ce déploiement d'illustration éloigne du spectateur tout émotion. C'est un peu dommage. C'est comme une cérémonie savante, impeccable, mais froide. Et, malgré la sensibilité des interprètes, Muriel Amat, Julie Denisse, Enrico Baradel et François Loriquet, qui a composé la musique, on contemple sans être saisi, touché aussi profondément que l'on pourrait l'être car l'argument de Hanjo est magnifique et terrible.
Théâtre de l'Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes, dans le cadre du festival d'Automne, à 20 h 30 du mardi au samedi et 16 h le dimanche (01.43.74.99.81). Durée : 1 h 15 sans entracte. Texte publié par Gallimard.
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