Chiffres
Des études australiennes et norvégiennes ont démontré que, par an, 2 % des enfants ayant entre 7 et 18 ans seraient sujets à un traumatisme dentaire. A 14 ans, 30 % auraient déjà subi un traumatisme de la petite enfance et 22 % un accident en denture permanente. Le plus souvent, les dents concernées sont les incisives centrales supérieures, surtout si elles présentent une orientation vestibulaire exagérée par la succion du pouce.
La fréquence des accidents connaît deux périodes privilégiées : lorsque l’enfant apprend la marche et la course, avec un pic vers 4 ans, suivi d’un second pic vers 8-10 ans lorsqu’interviennent les activités sportives (trottinette, vélo, rollers) et les jeux dans la cour de l’école.
Une chute banale
Une chute sur les incisives temporaires vers 2-3ans, quoi de plus banal?
Le jeune enfant a la tête plus lourde que les adultes. En cas de chute, il bascule vers l’avant, et les incisives temporaires sont heurtées. Très souvent ,l’enfant pleure, la dent s’enfonce un peu et puis tout rentre dans l’ordre. L’incisive devient un peu noire, mais l’enfant ne se plaint pas, il n’y a pas d’abcès et la chute est oubliée par les parents.
Parfois l’incisive est même extraite sous le choc, mais en fin de compte ce n’est qu’une dent de lait.
L’espace se referme un peu et les choses semblent rentrer dans l’ordre.
Mais attention, ce traumatisme peut avoir des répercussions assez importantes !
Il faut savoir alerter les parents, les chirurgiens-dentistes et les pédiatres sur les risques, à cet âge, d’une chute sur les dents antérieures s’accompagnant de leur intrusion.
Etiopathogénie
Les germes permanents présentent toujours des relations étroites avec les incisives temporaires. En fonction de l’âge de l’enfant, leur position relative évolue : à l’aplomb de ces dents entre 2 ans et 4 ans, palatine après 4 ans, mais aussi parfois vestibulaire. Les déplacements intra-alvéolaires des germes, conséquence d’une luxation partielle ou totale de la dent temporaire, peuvent donc revêtir des formes cliniques différentes. Certaines peuvent faire courir des risques malformatifs importants à la dent permanente sous-jacente, dans sa teinte (tache blanche sur la face vestibulaire) ou même dans sa forme. Les atteintes des dents permanentes immatures, par les séquelles tissulaires engendrées, peuvent ainsi perturber le développement physiologique de la dent.
Les formes cliniques
Sous l’effet du choc, à un stade précoce d’édification coronaire, le germe de l’incisive est repoussé contre la voûte palatine, et la dent poursuit son évolution en position horizontale. La racine cherche à se développer, mais elle est freinée par la corticale. Il s’ensuit une coudure radiculaire plus ou moins marquée selon le degré d’ingression du germe de l’incisive définitive.
Si le choc est plus fort, il se produit une rupture de la jonction amélo-dentinaire. On assiste à une « dilacération » des tissus. Cette situation est irréversible. Elle compromet ensuite l’évolution de cette dent, surtout si le glissement de la temporaire sur la couronne en formation a entraîné la fragmentation de la couche améloblastique. Il en résulte la formation d’un odontome, structure anarchique amélo-dentinaire, qui bloquera l’éruption du germe permanent.
Enfin, le traumatisme peut s’étendre à tout un secteur : certains germes sont totalement désorganisés. D’autres présentent des phénomènes de dilacération radiculaire ou coronaire sous forme de véritable plicature du germe.
Il convient donc de bien faire le diagnostic différentiel.
Attitude thérapeutique
La thérapeutique dépend de la sévérité de l’intrusion, de l’existence ou non de fracture alvéolaire associée.
Du simple cliché rétro-alvéolaire aux reconstructions scanner RX tridimensionnelles, les techniques d’imagerie médicale permettent une exploration fine des traumatismes dento-squelettiques. Une approche « raisonnée » du choix de ces examens complémentaires est indispensable pour l’exploration de leurs séquelles sur les dents permanentes et sur le développement des arcades.
En urgence, on conseillera l’examen panoramique et le cliché occlusal, riches en informations et assez simples à obtenir, même en présence d’éventuelles plaies et de contusions faciales. Secondairement, il sera primordial de :
– surveiller l’évolution de la dent temporaire et tester cliniquement sa vitalité ;
– surveiller radiologiquement l’évolution de l’incisive définitive ;
– déterminer le degré d’atteinte de cette dent pour savoir si elle peut être placée sur l’arcade.
Le pronostic devra être évalué en fonction des formes cliniques et de la qualité des processus de réparation.
Une dent en faucille dont la coudure n’est pas trop marquée pourra être mise en place. Les avantages à conserver la dent définitive autant que faire se peut sont évidents.
Ils sont tout d’abord esthétiques : il n’y a pas d’édentation antérieure et le milieu de l’arcade conserve sa position par rapport au plan sagittal médian.
Le devenir de la dent repositionnée (parfois sous réserve de traiter le canal) est assez bon.
Même si le pronostic à long terme de l’incisive est compromis, il est tout de même avantageux de faire évoluer la dent « en faucille » sur l’arcade car :
– l’espace de la dent est préservé sans qu’on ait recours à une prothèse transitoire ;
– le déplacement de la dent permet de créer de l’os qui est maintenu en place et qui permettra une bonne ostéo-intégration du futur implant.
Cependant, il faut bien reconnaître que ce repositionnement est assez long à faire et nécessite une bonne coopération si l’on veut un résultat à long terme.
Si le scanner 3D révèle une coudure trop marquée et proche du collet, et si, par ailleurs, une dilacération radiculaire s’associe à la bascule du germe, l’extraction sera nécessaire.
Actuellement, une nouvelle voie thérapeutique est ouverte par les autotransplantations de prémolaires.
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