On ne sait pas bien qui le premier a pensé à casser un œuf pour en déguster le contenu. En marge des premières consommations d'oeufs dites « sauvages » (l'homme volant les oeufs dans les nids), l'utilisation des œufs en cuisine existe depuis longtemps et un peu partout dans le monde. On dit que les oeufs sont arrivés en France avec les Romains, les poules ayant été elles-mêmes introduites dans les basses-cours de Grèce et d'Italie, au Ve siècle avant notre ère, où étaient déjà installées les oies, les canes et les pintades. A cette époque, les oeufs étaient gardés pour la reproduction et il a fallu attendre le début de l'aviculture pour que l'oeuf devienne un aliment à part entière. L'oeuf alimentaire traditionnel sera alors celui de la poule.
le « lait de poule », un fortifiant
Ainsi à Rome, la pâtisserie faisait grand cas des œufs, non seulement pour les gâteaux mais aussi pour les entremets.
Quelques recettes sont restées célèbres comme celle de la crème renversée imaginée par Apicius en 25 avant J.-C., obtenue en mélangeant dans une terrine du lait, du miel, des oeufs battus, le tout cuit à feu doux. C'est Apicius également qui découvrit le pouvoir épaississant de l'oeuf et son intérêt pour lier une sauce ou un ragoût. Lucullus, lui, inventa l'omelette (et même l'omelette au miel).
Rapidement les vertus nutritionnelles des oeufs ont été reconnues. Les médecins disciples d'Hippocrate de Cos voyaient dans les œufs peu cuits, le « bon suc », c'est-à-dire un aliment très nourrissant. Bien plus récemment, le « lait de poule » de nos grand-mères (fait d'un jaune d'œuf battu dans un lait verre de lait chaud) était sensé rendre leurs forces aux convalescents.
des proteines de haute valeur biologique
L'oeuf contient une quantité remarquable de nutriments utiles : protéines, lipides, vitamines et minéraux. Le jaune, ou vitellus, qui représente environ 29 % du poids total, contient presque autant de protéines que le blanc (62 % du poids total), la totalité des lipides et des vitamines liposolubles. Le blanc est riche en protéines et en eau.
Les protéines de l'oeuf ont une haute valeur biologique, de par leur richesse en acides aminés essentiels ; un oeuf de 60 g renferme : 345 mg d'isoleucine, 550 mg de leucine, 455 mg de lysine, 210 mg de méthionine, 320 mg de phénylanine, 310 mg de thréonine, 105 mg de tryptophane et 410 mg de valine. La valeur biologique des protéines de l'oeuf est de 96 %, alors que celle des protéines de céréales est de 75 % et des légumineuses de 35-40 %.
Les lipides contenus dans le jaune sont bien équilibrés : 36 % d'AGS, 49 % d'Agmi et 15 % d'Agpi. Un jaune renferme en outre environ 200 mg de cholestérol. Riches en lipides, les œufs ne représentent néanmoins au total qu'une faible part des lipides alimentaires, principalement apportés par les produits laitiers, la viande et la charcuterie.
Enfin, les oeufs sont une source intéressante de vitamines et de minéraux, y compris de fer (voir tableau).
des oeufs riches en oméga 3
Toutefois la composition de l'œuf peut varier en fonction de certains paramètres comme l'âge de la poule (le poids du jaune augmente avec l'âge), la période de ponte (l'oeuf grossit au cours de l'année de ponte) et surtout l'alimentation de l'animal, principale source de variation. Ainsi, les poules (élevées en plein air) qui ont l'occasion de picorer des brins d'herbe ou des insectes pondent des oeufs dont les teneurs en acides gras essentiels, en vitamine E, caroténoïdes et en oligoéléments sont différentes de ceux des poules élevées en batterie avec une alimentation classique. Sur ce constat, des industriels de l'alimentation animale travaillent à améliorer les apports alimentaires des poules pour modifier la composition des œufs. Il est ainsi possible d'accroître d'un facteur 10 la part des oméga 3 (à partir du lin ou des produits marins) ou celle des oméga 6 (tournesol, soja, carthame) - modification moins recherchée. Les teneurs en iode et en sélénium, ainsi qu'en vitamines liposolubles (E, A et D) peuvent également être multipliées par 10 ; enfin, la teneur en vitamines hydrosolubles B2, B12, B1, en biotine, en acide folique et en pantothénique peut également être augmentée.
des controles sanitaires rigoureux
La question du risque de toxi-infection alimentatire véhiculée par l'oeuf est parfois posée. Il est vrai qu'une recrudescence de Tiac à Salmonella associée à la consommation d'oeufs en coquille et de produits à base d'oeufs, observée dans les années 1980, avait inquiété. En réaction à cette situation, les autorités françaises (1991), puis européennes (1992), ont mis en place un arsenal réglementaire volontaire susceptible d'éradiquer Salmonella enteritidis et typhimurium. La directive 92/117/CE n'a malheureusement pas été appliquée par l'ensemble des partenaires. Ces dispositions viennent d'être renforcées par un règlement communautaire (2160/2003) dont l'application est obligatoire sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. En France, les Tiac à Salmonella enteritidis sont devenues rares. Cependant, les mesures de surveillance et de maîtrise ne concernent que les élevage de taille industrielle (> 250 animaux). La contamination de l'oeuf est donc un événement rare mais la probabilité d'être malade en consommant un oeuf contaminé est forte. Les mesures de conservation de l'oeuf doivent être appliquées par les consommateurs.
Pour en savoir plus : www.œufs-asso.com
Célèbres, ils aimaient les oeufs
Clovis aimait tant les oeufs durs qu'il faillit en avoir une indigestion. Bien plus tard, Louis XIV a mis à l'honneur les « vents », ancêtres des meringues dont il raffolait. Quant à Louis XV, chaque dimanche matin, il faisait sauter d'un seul coup de fourchette le bout de son oeuf à la coque au moment où l'appariteur annonçait son petit-déjeuner ; les Français se déplaçaient nombreux pour assister à ce spectacle.
Mais les oeufs n'étaient pas l'apanage exclusif des festins royaux ; ils faisaient aussi partie des banquets populaires : pour le couronnement du pape Clément VI en Avignon, on employa 3 250 douzaines d'oeufs pour régaler les milliers de convives.
En pratique
La température de coagulation du jaune étant supérieure de 8 °C à celle du blanc, ce dernier coagule avant que le jaune ne cuise. Trois minutes (le temps de cuisson d'un œuf coque) est le temps qu'il faut au blanc pour cesser de protéger le jaune de la chaleur ; une minute de plus et le jaune commence à coaguler, l'œuf est alors mollet ; en 10 minutes, l'œuf est dur.
L'oeuf est plus digeste quand le blanc est coagulé et le jaune crémeux.
Par ailleurs, la date de consommation recommandée (DCR) est de 28 jours au plus après la ponte. Le mode de consommation varie avec l'état de fraîcheur de l'oeuf ; les oeufs extrafrais (jusqu'à 9 jours après la ponte) sont utilisés dans des préparations non cuites (mayonnaise) ; les œufs frais (jusqu'à 28 jours) sont cuits au plat, en omelette, durs ou pour la pâtisserie ; plus on se rapproche de la limite de la DCR, plus un temps de cuisson prolongé est préférable.
Il est préférable de conserver les oeufs au frais ; et il est impératif de ne pas les laver avant conservation, la coquille poreuse étant protégée par une cuticule se trouvant naturellement à sa surface.
Les Français et les oeufs
Avec 250 oeufs consommés par habitant en 2003 (178 oeufs en coquille et 72 ovoproduits), le Français demeure l'un des plus gros consommateurs d'oeufs de l'Union européenne. La part des ovoproduits dans la consommation globale est croissante et atteint 28 %. La part des œufs alternatifs atteint 23 % des volumes d'oeufs coquille vendus en GMS en 2003.
Le terme ovoproduit englobe une grande variété de dérivés de l'œuf, plus ou moins élaborés, que l'on peut regrouper en deux grandes familles : les ovoproduits intermédiaires (entiers, jaunes, blancs, pasteurisés, additionnés de sucre ou de sel, liquides, concentrés, séchés ou congelés) et destinés essentiellement aux industries agroalimentaires ; les produits élaborés, prêts à l'emploi, essentiellement destinés à la restauration hors domicile.
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