DE NOMBREUSES recommandations ont été émises sur la prise en charge de la lombalgie dite commune, c'est-à-dire non liée à une cause spécifique (tumeur, infection ou rhumatisme inflammatoire), qu'elle soit aiguë (moins d'un mois) ou chronique (plus de 3 mois). Cependant, ces recommandations, comme les publications qui traitent de ce thème, concernent essentiellement l'adulte en activité. Très peu s'intéressent à la lombalgie du sujet âgé. Peut-être parce qu'elle a moins de conséquences économiques et n'induit pas d'arrêt de travail… !
Le groupe Rachis de la Société française de rhumatologie a donc mis en place une étude prospective chez des patients lombalgiques chroniques de plus de 60 ans entre janvier 2007 et mars 2008. L'objectif de ce travail était de déterminer les caractéristiques cliniques de ces patients, l'importance de leur gêne, leur niveau de douleur ainsi que le retentissement de la lombalgie sur la fonction, sur l'humeur et sur la qualité de vie. Afin de mieux visualiser le substrat organique de cette douleur, l'étude comportait aussi une analyse des anomalies radiologiques. Chez l'adulte, on estime en général que la radiologie n'a d'intérêt ni pour évaluer la durée de l'épisode de lombalgie, ni pour déterminer les facteurs prédictifs de passage à la chronicité et on envisage la lombalgie plutôt sous un angle psychosocial. Cependant, «ma conviction personnelle, estime le Dr Sylvie Rozenberg, est que, chez les gens âgés, des troubles statiques très importants, dus par exemple à une arthrose très évoluée, sont souvent présents et jouent un rôle majeur dans la lombalgie. Or, à ma connaissance, aucune étude ne décrit les anomalies radiologiques des sujets âgés lombalgiques».
Des patients souvent résignés.
Cette étude prospective transversale et multicentrique a inclus 108 patients, d'âge moyen 73,6 ans, souffrant de lombalgie depuis plusieurs années (médiane : 60 mois). Le niveau de douleur, chez ces sujets âgés, est aussi important que chez les adultes plus jeunes. Ainsi, le niveau moyen de douleur sur EVA est de 56/100 mm. Par ailleurs, la douleur a les mêmes caractéristiques de déclenchement, par la station debout prolongée, l'activité ou la marche et elle régresse le plus souvent en position allongée. Plus de 80 % des patients prennent un traitement médicamenteux et 57 % sont satisfaits de leur prise en charge. Pourtant, les lombalgies ont un retentissement important sur la vie quotidienne de ces sujets âgés lorsqu'il leur faut rester debout, marcher ou soulever des charges, comme le montrent les scores d'incapacité fonctionnelle (OSW : 38 ± 9/100), de qualité de vie (scores SF12 physique [34,0 ± 9,5] et psychique [41,6 ± 12,2]), et de dépression (56 % de dépressions légères à sévères), nettement perturbés. «Les patients âgés lombalgiques, bien que vraisemblablement insuffisamment traités, sont assez résignés, ne se plaignent pas et ont un faible niveau d'exigence», constate le Dr Sylvie Rozenberg. Il en résulte que leurs médecins ne considèrent pas la prise en charge des lombalgies comme une priorité, d'autant plus qu'elles surviennent le plus souvent chez des sujets qui ont aussi d'autres pathologies qui nécessitent une intervention plus immédiate.
Des troubles statiques fréquents.
Les radiographies du rachis lombaire, effectuées chez 80 patients, mettent en évidence des troubles statiques fréquents et ce dans les trois dimensions, avec une scoliose chez plus de 30 % des patients, une dislocation latérale dans 40 % des cas et des troubles statiques antéro-postérieurs, comme le spondylolisthésis. Les pincements discaux sont nombreux, étagés et importants. L'analyse IRM, effectuée chez 104 lombalgiques, a révélé des anomalies attendues, telles que des anomalies de signal des disques, une prévalence importante de pincements discaux et d'arthrose postérieure (plus de 60 % des patients). Enfin, une amyotrophie des muscles paravertébraux a été observée chez près de 90 % des sujets.
Cette étude affirme donc bien l'importance des troubles statiques qui accompagnent les lombalgies chroniques des personnes âgées. «Nous sommes trop souvent passifs vis-à-vis de ces patients. Il est important, précise le Dr Rozenberg, de prendre en charge la lombalgie chez les gens de plus de 60ans et de mieux la comprendre. Assurer une juste prescription des antalgiques, en étant plus exigeant quant aux résultats, est nécessaire. Il en est de même des programmes de rééducation active qui devraient être plus souvent envisagés pour ces patients.»
D'après un entretien avec le Dr Sylvie Rozenberg, groupe hospitalier Pitié- Salpêtrière, Paris.
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