Figure notable de la littérature turque, Elif Shafak a publié 30 livres, dont 9 romans, écrits aussi bien en turc qu’en anglais, dont le best-seller « la Bâtarde d’Istanbul ». Entre conte des mille et une nuits et récit initiatique, « l’Architecte du sultan » (1) déroule la vie d’un jeune Indien qui débarque à Istanbul afin d’offrir un éléphant blanc à Soliman le Magnifique. Cornac par hasard, il va devenir le disciple favori de l’architecte du sultan, le grand Sinan, à l’origine de maints chefs-d’œuvre, dont la mosquée Süleymaniye. Dans ce roman foisonnant, l’intrigue compte moins que la peinture, à travers de multiples personnages et anecdotes, d’une ville et d’un palais, avec ses courtisans, son harem, sa ménagerie, ses intrigues et ses histoires d’amours impossibles, au moment où l’empire Ottoman était à son apogée.
Astrophysicien, directeur de recherche au CNRS, essayiste, romancier et poète, Jean-Pierre Luminet consacre le cinquième opus de sa série « les Bâtisseurs du ciel » à « Ullugh Beg - L’astronome de Samarcande » (2). On y découvre, sous la forme d’une fresque historique épique, la vie hors du commun du petit-fils du redoutable conquérant Tamerlan, qui fut un aussi piètre politique et militaire qu’un extraordinaire mathématicien et scientifique. Il a notamment rassemblé autour de lui et dirigé une équipe de savants, qui vont calculer les positions de plus de 1 000 étoiles et rédiger les fameuses « Tables sultaniennes », et il a fait construire, entre 1424 et 1429, l’observatoire astronomique de Samarcande, pourvu d’instruments sans équivalent jusque-là.
De guerre en guerre
Attention, tourbillon littéraire ! « A la guerre comme à la guerre ! » (3) est une fresque gigantesque qui a pour fil conducteur la Première Guerre mondiale et qui entremêle les vies de près de 80 protagonistes, réels ou fictifs, pour donner à voir toutes les faces de cette époque chaotique. Ce roman érudit est signé Aleksandar Gatalica, un des auteurs majeurs de la Serbie contemporaine, de romans et de nouvelles mais aussi d’ouvrages sur la musique. Ce qui explique peut-être son don pour orchestrer les multiples points de vue émanant d’hommes et de femmes de tous les pays et de toutes les couches sociales et professionnelles.
« Le Médaillon de Budapest » (4) d’Ayelet Waldman (« Mercredi au parc », adapté au cinéma sous le titre « Un hiver à Central Park », avec Natalie Portman) est également un roman polyphonique, qui nous mène, à travers les époques, de 1945 à 2013, sur les traces de différents protagonistes qui ont vu ou ont tenu un certain pendentif représentant un paon. Au cœur du récit, le « train de l’or hongrois », rempli de biens volés aux Juifs, qui, en 1945 à Salzbourg, ont été pillés sans vergogne.
Très attendu après « les Gens indispensables ne meurent jamais », présenté comme « un tournant dans la manière d’appréhender la Shoah » et très remarqué à sa publication en France en 2007, « Pour elle, volent les héros » (5), d’Amir Gutfreund, est le récit d’une amitié, et surtout une chronique, non dénuée d’humour, de la société israélienne, des années 1960 à la mort d’Yitzhak Rabin. On suit pendant plus de trente ans l’évolution de cinq amis d’une cité ouvrière de Haïfa, des garçons ordinaires qui grandissent tant bien que mal au rythme des attentats et des guerres et qui vont se transformer en « héros » pour sauver une jeune fille de l’emprise d’une secte et la ramener dans les bras de l’un d’entre eux.
Vagabondages
Quand l’ailleurs se situe en marge du roman, il ouvre l’esprit à tous les vagabondages. Il en est ainsi du « Dictionnaire amoureux de la Méditerranée » (6), dont chaque article ouvre l’imagination. Auteur de quelque 75 livres en tous genres, Richard Millet envisage ici la Méditerranée dans sa dimension civilisationnelle plus que politique, et dans sa diversité toujours active. On se promène de pays en région, de ville en île, on retrouve des personnages mythologiques et historiques, des écrivains, de l’Antiquité à aujourd’hui, et toutes sortes d’artistes, et encore des saints et des vins, etc.
Plus incroyables que la fiction, les « Légendes et mystères des régions de France » (7) nous emportent vers des horizons encore plus lointains, tout en restant dans la France profonde. Éloïse Mozzani, historienne et spécialiste des traditions populaires, présente ces récits merveilleux par régions, départements et communes, poursuivant ainsi l’œuvre des folkloristes du XIXe siècle qui ont collecté et mis par écrit les légendes longtemps transmises oralement. Elle met ainsi en relief les thèmes récurrents et les identités traditionnelles d’une contrée, et en lumière des lieux légendaires méconnus ou totalement oubliés. Près d’un lieu de vacances certainement !
(2) JC Lattès, 315 p., 19 euros.
(3) Belfond, 35 p., 22,50 euros.
(4) Robert Laffont, 453 p., 22 euros.
(5) Gallimard, 572 p., 24,90 euros.
(6) Plon, 806 p., 25 euros.
(7) Robert Laffont, 1 291 p., 30 euros.
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