À LONDRES, à New York, cette pièce importante écrite en 2006 par Tom Stoppard, a déjà été jouée. On la découvre en France dans une traduction de Lulu et Michael Sadler grâce à Daniel Benoin qui dirige le théâtre de Nice. De grands talents se conjuguent ici : l'art de l'écrivain apte à composer cette vaste fresque qui parle de l'Histoire de la Tchécoslovaquie et de celle de l'Europe par le truchement de quelques personnages, sur plusieurs générations. Ces personnages, l'auteur les cerne au plus près dans leurs occupations, leurs sentiments, leurs conflits les plus intimes. Si Tom Stoppard intitule sa pièce « Rock'n'Roll », c'est que la musique y tient une place éminente au travers d'un groupe de Tchécoslovaquie qui emblématisa la dissidence, The Plastic People of the Universe, au travers de la passion des protagonistes pour la musique et notamment pour Syd Barrett, fondateur des Pink Floyd.
Daniel Benoin excelle à mettre en scène ce type d'oeuvre foisonnante. Il ne craint pas les ruptures, il sait ménager les enchaînements. Il s'appuie sur une distribution très forte et a demandé à un groupe de jeunes musiciens très doués, les Gypsy Queens, de s'intégrer à la troupe, du plateau à la salle.
Le développement dramatique est noué à partir des figures de Max (Pierre Vaneck, au meilleur de lui-même), professeur de philosophie à Cambridge. Il ne veut pas renoncer à ses convictions communistes. Son élève Jan (Frédéric de Goldfiem, très fin) va retourner à Prague au printemps de 68 et connaîtra l'entrée des chars russes dès août, puis surveillance, vexations, prison. Et il sera d'autant plus suspect qu'il est passionné de musique.
Grâce au décor à transformation rapide de Jean-Pierre Laporte, on passe d'Angleterre à Tchécoslovaquie, de 1968 à 1990, après la Révolution de velours, l'accession de Vaclav Havel à la présidence. Havel à qui est dédiée cette pièce et dont les convictions, les débats avec d'autres intellectuels de son pays dans ces années de lutte nourrissent le propos de Stoppard, est la figure en creux, la figure dominante de cette très grande pièce écrite par un homme que l'Histoire a conduit à devenir citoyen britannique, mais qui est né en Tchécoslovaquie en 1937, et qui est donc complètement concerné.
Les femmes sont magnifiques chez Stoppard. Les mêmes comédiennes jouent les mères, puis les filles. Eleanor, épouse de Max, professeur de grec qui souffre d'un cancer, c'est Maruschka Detmers, très belle et ultra-sensible. Elle joue ensuite Esmé, fille de Max et Eleanor qui a été incarnée, jeune, par Caty Baccega, également remarquable dans Alice. Il faut citer chacun et l'on tient l'Histoire par l'histoire de chaque personnage, les proches de Jan notamment lequel finira par retrouver son professeur à Cambridge. L'un surveillait l'autre et réciproquement…
Valérie Bodson, Gaële Boghossian, Catherine Marques, Paul Chariéras, Paulo Correia, Claude Koener, Emmanuel Leforgeur et les musiciens Didier Casnati, Anders Klunderud, Manuel Polin, Ian Smith, David Zincke servent le propos passionnant de cette grande pièce et de ce grand spectacle.
Théâtre de Nice jusqu'au 23 octobre, à 19 h 30, 20 h 30, 15 h, selon les jours. Durée : 3 h entracte compris (04.93.13.90.90).
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